La Laïcité

Conférence de Bertrand vergely

La laïcité est une question cruciale dans notre monde moderne et quand on l’aborde, il importe de voir 3 choses.

  • La définition de la laïcité
  • Le poids de l’histoire et de l’actualité
  • Les réponses qu’il est possible d’apporter à cette question

 

3 définitions ambigües de la laïcité

La laïcité renvoie étymologiquement au laïkos, au peule, elle désigne le peuple par opposition aux clercs, dans l’Eglise, il y a le clergé et il y a le peuple, c’est l’ensemble du peuple et du clergé qui constitue l’Eglise. On peut être laïque et religieux, laïque et croyant.

Il importe de rappeler cela car aujourd’hui on a tendance à entendre par laïcité, l’absence de religion et dans l‘esprit d’un certain nombre de personnes, la laïcité veut dire la mise ente parenthèses du religieux, or, on peut dire qu’une grande partie des chrétiens sont des laïques, comme une grande partie des musulmans, des juifs et de tous les membres d’une religion.

D’où la nécessité d’une deuxième définition : la laïcité est héritée de la révolution française et elle repose sur la liberté de conscience. C’est la laïcité vue comme une liberté ce qui, là encore, est problématique dans notre monde parce que la laïcité suppose d’être religieux et croyant aussi bien que de ne pas l’être. Or, dans l’esprit de ce qu’on appelle la laïcité aujourd’hui, l’exercice de la liberté n’est pas entendu comme l’exercice d’une religion en toute liberté, mais être libre serait être non-religieux.

La définition contemporaine de la laïcité revient à dire qu’être laïque c’est être athée, il y a donc une confusion entre laïcité et athéisme. Si on confond la laïcité avec l’athéisme, cela voudrait dire que seuls ceux qui sont athées sont des laïques authentiques, or on peut très bien être laïque et chrétien ou juif, ou musulman en expliquant que la laïcité consiste à exercer sa liberté en étant croyant.

D’où la nécessité d’une troisième définition : celle de 1905 et de la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Mais là encore, il y a une ambiguïté car la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne veut pas dire la séparation de la religion et de la société. On peut très bien envisager un monde où l’Eglise et l’Etat sont séparés mais où la religion et la société ne le sont pas. On peut très bien vivre dans une société religieuse au niveau idéologique, sans pour autant que ceux qui exercent le pouvoir étatique soient des religieux.

A propos de la laïcité, il règne une confusion qui est liées à des oublis ou a des décisions arbitraires ; l’oubli que la laïcité renvoie au peuple et que l’on peut très bien être croyant et laïque, oubli que la laïcité c’est la liberté de conscience, donc la possibilité, certes de ne pas croire, mais également celle de croire, oubli que la laïcité signifie la séparation de l’Eglise et de l’Etat mais nullement la séparation de la religion et de la société.

Autrement dit, nous ne savons plus du tout ce qu’est la laïcité :

– Au sujet du port du voile, certains disent : « Je suis laïque et pour moi on peut s’habiller comme on veut ».

– On pense qu’être laïque c’est, en tant que croyant, ne pas manifester d’opinion religieuse dans l’espace public.

– Dans l’esprit de beaucoup de personnes, êtres laïque, c’est être athée.

 

Le poids de l’histoire

Cette attitude contemporaine s’explique par le poids de l’histoire et il y a trois causes historiques de la confusion dans laquelle nous sommes :

  • Le poids de la monarchie absolue au 18ème siècle
  • Le poids de l’Eglise catholique dans la société occidentale
  • Le problème posé par l’Islamisme dans le monde contemporain

 

L’influence de la monarchie absolue

Il fut un temps ou la religion chrétienne catholique était une religion d’Etat et il était interdit de ne pas croire et de ne pas être religieux. Voltaire a défendu le chevalier de la Barre qui a été condamné à mort parce qu’il ne s’était pas découvert devant une procession religieuse.

On comprend que lorsque le religieux s’exprime sous la forme d’un dispositif contraignant et dictatorial, on aspire par soucis de liberté, à  séparer le politique et la religion. Il est vrai, que dans l’histoire, lorsqu’il y a eu confusion entre le politique et le religieux, sous la forme d’une religion d’état obligatoire, l’exercice de cette religion obligatoire s’est traduit par une domination contraignante, brutale et violente.

C’est le cas aujourd’hui dans les dictatures religieuses où ceux qui ne respectent pas, non seulement la foi, mais les coutumes alimentaire et vestimentaires de la religion au pouvoir sont sévèrement réprimés. En Afghanistan, lorsque les talibans faisaient régner la terreur, les femmes ne pouvaient pas sortir non voilées et les hommes étaient sommés d’être barbus.  De même en Arabie Saoudite il n’est pas question de boire de l’alcool ou de manger du porc.

Donc la religion au pouvoir et l’exercice dictatorial de la foi religieuse expliquent le traumatisme de la société moderne à l’égard du religieux et la peur de voir ressurgir une religion autoritaire qui exercerait brutalement sa domination et son pouvoir.

Cela explique le préjugé communément partagé dans la société contemporaine, à savoir, que la religion équivaut à la violence et au fanatisme. Dans la chanson de John Lennon « Imagine », pour lui, le rêve serait la disparition des religions, celles-ci étant responsables de toutes les guerres et de tous les maux régnant sur la planète. Dans l’imagination populaire et médiatique, la religion équivaut au mal, au fanatisme et à l’obscurantisme et la disparition de la religion apporterait la liberté et la possibilité de pouvoir choisir son idéologie sans être obligé de suivre une doctrine officielle, la laïcité serait la disparition du religieux.

 

Le catholicisme dans la société française.

C’est le problème auquel a été confrontée la république au 19ème siècle.

Au 18ème siècle, la révolution édite des lois de tolérance et de liberté dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, mais exerce également une répression féroce des religieux et des prêtres dont des centaines ont été guillotinés. Il y a une insurrection antireligieuse et l’apparition d’un athéisme philosophique s’érigeant comme expression de la liberté.

La société est demeurée marquée par le religieux, le christianisme et le catholicisme, d’où l’idée au 19ème siècle que la révolution n’est pas finie et qu’il faut séparer la religion et la société. Cette séparation s’exprime par la séparation de l’Eglise et de l’Etat, visant à traduire l’idée que le christianisme a encore trop de poids dans la société et dans les mentalités, par son patrimoine, et dans l’éducation. Il y a donc la volonté de remettre l’Eglise à sa place mentalement, culturellement, dans le domaine de l’éducation et  dans le domaine des biens. Nous assistons alors à la séparation de l’Eglise et de l’Etat avec une réaction musclée des défenseurs de la laïcité.

Deux idées contradictoires de la laïcité

Il est important de voir que du fait de cette séparation, on se retrouve avec deux idées de la laïcité qui sont contradictoires. En effet, la liberté de croyance et la séparation de l’Eglise et de l’Etat sont, quelque part, contradictoires car lorsqu’il y a séparation de l’Eglise et de l’Etat, il y a souvent remise en question de la liberté de croyance et lorsqu’il y a liberté de croyance, il y a résistance, sinon au principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat, du moins au principe de séparation de la religion et de la société.

Aujourd’hui, nous sommes toujours marqués par cette dualité constitutive de la laïcité étant donné qu’il existe un flottement dans les mentalités. Quand il est question de la laïcité comme séparation de l’Eglise et de l’Etat, pas question de l’entendre comme liberté de croyance et quand elle est entendue comme liberté de croyance, pas question de séparer la religion et la société.

Ceci se voit très bien dans l’attitude à l’égard de l’Islam. Dans l’Islam la religion relève d’un fait social global, il n’y a pas de séparation entre la religion et la société, la communauté sociale est une communauté religieuse et ce qui est extrêmement important, c’est ce qu’on appelle la « Oumma », c’est-à-dire la communauté fraternelle de toutes les frères musulmans à travers le monde. Cette communauté fraternelle est à la fois sociale et religieuse, d’où le problème d’articuler les deux définitions de la laïcité.

D’un côté, au nom de la liberté de conscience la République est tentée de reconnaître la liberté, pour les musulmans, de constituer une communauté à la foi sociale et religieuse, mais dès lors qu’il est question de l’Eglise et de l’Etat, cette relation entre société et religion est remise en cause.

Ceci entraine des problèmes complexes lorsque le christianisme vient se mêler de cette réflexion entre religion et société, car pour le dire directement, lorsqu’il est question de l’Islam, on trouve normal que société et religion soient confondues, mais lorsqu’il est question du christianisme, on trouve cela scandaleux.

Le livre de Pierre Manent explique que si nous voulons régler le problème de la relation avec l’Islam, il faut céder sur les coutumes vestimentaires et alimentaires, et même, il faut accepter des jours de piscine pour les femmes différents de ceux des hommes. Mais dans le même temps, il est intéressant de voir qu’on débaptise les noms chrétiens des vacances scolaires qui deviennent vacances d’hiver au lieu de vacances de Noël, vacances de printemps au lieu de vacances de Pâques, on ne sait pas encore comment on va appeler Pentecôte… Jacques Chirac a même refusé de reconnaître, entre autres, que l’Europe avait des racines chrétiennes.

 

Une relation ambigüe avec l’Islam

Il y a un flottement, quelque chose qui ne va pas et qui est ambiguë dans la relation avec l’Islam, aujourd’hui, nous ne savons pas commet nous situer par rapport à l’Islam et quelle laïcité il convient d’adopter, nous oscillons entre la laïcité comme liberté de croyance et la laïcité comme séparation de l’Eglise et de l’Etat. D’un côté, au nom de la tolérance, la République est prête à accueillir l’Islam avec ses coutumes, et d’un autre côté, elle est fort embarrassée lorsqu’au nom de la tolérance des coutumes, certaines femmes réclament de porter le voile sur leur lieu de travail, ou refusent de se faire examiner par un homme.

Nous ne sommes pas très clair à propos de la laïcité parce qu’il y a ce poids de l’histoire qui pèse sur les consciences et qui fait qu’on ne sait pas très bien comme agir. Lorsqu’il est question du christianisme, ce qui ressort dans la mentalité politique, c’est un rejet de celui-ci de la scène sociale et politique car être laïque c’est être athée et anti chrétien, mais d’autre part, lorsqu’il s’agit des autres religions, être laïque c’est être tolérant et accepter la religion des autres et leurs coutumes.

On voit apparaître une défense de l’Islam, d’autant plus qu’il y a en mémoire la guerre d’Algérie, le colonialisme, d’une certaine façon, l’occident se sent coupable de la domination qu’a eu le christianisme sur la religion des autres et par désir de réparation il a une ouverture et une tolérance.

Le mouvement féministe lui-même est coupé en deux, si une partie du féminisme est contre le voile qui est assimilé à un outil d’oppression des hommes sur les femmes, une autre partie considère que le port du voile, c’est la liberté de la femme et c’est une coutume qu’il faut lui reconnaitre.

Aujourd’hui, l’Eglise et l’Etat sont séparés et on parle de la séparation de l’Eglise et de l’Etat à propos de l’Islam, or il s’avère que l’Islam n’est pas une Eglise, l’Eglise c’est le catholicisme et celui-ci est parfaitement respectueux de la liberté française.

En revanche il y a un véritable problème avec l’Islamisme face au monde moderne parce qu’il y a des éléments dans le monde islamique qui sont parfaitement prêts à coopérer avec la démocratie mais ils sont étouffés par des courants dominants à l’intérieur de l’Islam qui les empêchent de s’exprimer. On pense aux démocrates tunisiens qui ont été réprimés à l’occasion du printemps arabe, qui sont des gens cultivés et musulmans avec lesquels on peut parfaitement avoir un dialogue, seulement ils ne peuvent pas s’exprimer.

 

Nous ne sommes pas clairs parce qu’il semble que nous faisons des erreurs à propos de la laïcité et nous avons perdu certaines choses qui, si nous étions capables de les retrouver, nous permettraient d’aborder plus sereinement la question de la laïcité.

  • Il est important de retrouver un socle spirituel.
  • Il est important de faire une mise au point à propos de la notion de tolérance.
  • Il serait bon que l’on revienne à ce qui est dit dans L’Evangile à propos du politique et du religieux.

 

Le socle spirituel

La question de la laïcité au niveau spirituel a très bien été posée par Descartes et par Kant et il y a chez eux une vision extrêmement sage et fondamentalement laïque.

Descartes fait une double découverte.

Premièrement, se demandant si on peut douter de tout, il découvre qu’on ne peut pas douter de tout parce qu’il faut qu’il y ait une conscience pour pouvoir douter, donc métaphysiquement parlant, il y a quelque chose d’indubitable, c’est que nous existons en tant qu’Homme, il y a de l’être et une réalité absolue, l’homme que nous sommes permet de découvrir cette réalité.

L’homme n’est pas important en soi, mais parce que c’est grâce à lui que l’on voit apparaitre l’absolu. Il n’y a pas d’idolâtrie de l’homme chez Descartes, mais une métaphysique de l’homme, l’homme a une place éminente dans la réalité, non pas parce qu’il serait le dieu, mais parce qu’il est celui à travers qui se révèlent les réalités et l’existence absolues.

Deuxièmement, à la question de savoir si l’homme est seul au monde, Descartes répond que l’homme n’est pas seul au monde parce qu’il ne peut pas tout inventer, l’éternité, l’infini, cela ne s’invente pas, c’est quelque chose qui est reçu. L’homme n’est pas seul au monde parce qu’il y a au delà de lui, à l’extérieur de lui une réalité absolue qui est donnée.

Ce qui nous fait dire qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’existence d’un autre, c’est l’expérience même de la réalité.  L’homme existe et la réalité n’est pas délirante, elle est réelle, l’existence de l’homme et de la réalité permet de comprendre que l’homme et l’absolu existent et voilà une manière admirable de résoudre spirituellement la question de la laïcité et de la relation entre dieu et l’homme.

Dieu et l’homme ne sont pas incompatibles, au contraire, ils sont inséparables, quand l’homme existe Dieu existe et quand Dieu existe l’homme existe. Quand on fait l’expérience de la réalité, on découvre et Dieu, et l’Homme. Si nous avions cette sagesse cartésienne consistant à avoir la conscience de soi et la conscience de l’autre, on sortirait des problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est-à-dire l’opposition entre la liberté de l’homme et la réalité divine.

Une sortie de l’obscurité et du délire

Le cheminement de Descartes est un refus de l’obscurité et du délire, c’est une sortie de la folie. Premier point, notre propre existence montre qu’il est impossible que rien n’existe et que tout soit délirant, deuxième point, il y a quelque chose d’autre qui existe car nous n’avons pas tout inventé et tout n’est pas irréel. Autrement dit, lorsqu’on fait une expérience spirituelle de raison, on découvre que l’Homme existe, que Dieu existe et l’un n’écrase pas l’autre.

Dieu et l’Homme ensembles permettent d’éviter le délire et la folie, il y a chez Descartes un geste thérapeutique, la conscience aigüe d’une vérité fondamentale : « J’existe », « l’autre existe » et je suis dans la réalité parce que j’ai conscience de cela.

Les deux maux auxquels nous confrontent l’histoire et la réalité, c’est précisément que l’Homme n’existe pas, « je n’existe pas et l’autre n’existe pas ». « Je n’existe pas » quand je ne fais pas une expérience de ma liberté et de mon être d’Homme et « l’autre n’existe pas » quand je ne fais pas l’expérience de l’Autre.

Il est frappant d’apercevoir que dans ce qu’on appelle l’obscurantisme religieux, l’Homme n’existe pas, le Moi n’existe pas. Regardons le langage des terroristes, ils parlent toujours au nom de Dieu, jamais en leur nom, ils se présentent masqués, on ne voit pas leur visage, ils n’ont pas d’existence.

L’expérience de soi nous sort de la violence terroriste où l’homme n’a ni visage ni nom et il est admirable de faire cette expérience spirituelle, thérapeutique er psychanalytique. Dans une psychothérapie, on apprend à dire « Je », à dire ce que l’on désire et ce que l’on veut, on apprend à avoir un nom et un visage, à épouser son propre corps, ses sensation et à avoir une existence propre.

Lorsque nous faisons cette expérience profonde de l’Homme authentique, existentiel et ontologique, cela ouvre sur l’existence de l’autre. Parce que « J’existe », je me demande si je suis le seul à exister, je découvre que « l’autre existe » et, mon existence et celle de l’autre permettent d’ouvrir à l’existence en tant que telle. A ce moment là, on découvre que Dieu n’écrase pas l’Homme, mais qu’au contraire, Il lui permet de s’accomplir.

L’humanisme et la religion.

Le jour où on sera capable de refaire l’expérience de Descartes, nous aurons les clefs pour vivre dans un monde réconciliant l’humanisme et la religion, dans un monde où Dieu et l’Homme seront réconciliés.

Aujourd’hui, nous assistons à un choc frontal entre l’humanisme nihiliste de l’occident et le fanatisme religieux, nihiliste lui aussi. C’est d’un côté l’Homme sans Dieu et de l’autre Dieu sans l’Homme. C’est l’incapacité de réconcilier Dieu et l’homme parce que nous ne faisons pas de réflexion philosophique et spirituelle intérieure, nous partons de l’extérieur et cela dans des conditions catastrophiques.

Ce qui fait qu’il y a échec de l’humanisme et échec du religieux en occident c’est que les deux fonctionnent d’une manière aberrante et dépourvue de cette réflexion profonde. Dans l’article d’un philosophe à la mode, on peut lire que pour lui la religion c’est l’horreur, qu’il faut l’éviter et que ce qui nous sauve de la religion c’est l’humanisme.

Ce qui est critiquable dans cette vision des choses, c’est qu’il n’y a pas de réflexion intérieure. Au lieu de partir de soi et de se demander ce qui est réel, si nous existons et si l’autre existe, on se situe à l’extérieur de la société et du monde, on prend les pires aspects du religieux pour y opposer les aspects les plus simplistes de l’humanisme. On oppose l’humanisme triomphant au fanatisme religieux, de même les fanatiques religieux voient l’occident comme un monde décadent veulent le purifier grâce à leur religion triomphante.

Nous sommes dans un jeu extérieur et diabolique, on joue l’humanisme contre le fanatisme, la religion contre la décadence, on juge les choses d’une manière simpliste et caricaturale sans revenir aux sources véritables de ce qu’on peut appeler la laïcité, c’est-à-dire le véritable esprit de liberté qui permettrait de réconcilier l’humanisme et la religion.

Réconcilier l’humanisme et la religion

Pour cela, il faut faire une expérience personnelle et intérieure dans laquelle on découvre notre existence et celle de l’autre. Lorsque l’humanisme est une expérience intérieure et pas un système, il devient génial, c’est l’esprit de la liberté, de même lorsque l’expérience de Dieu devient la découverte de l’autre qui permet de vivre en tant qu’Homme dans un univers réel et pas fantasmatique, elle est libératrice.

« J’existe » et « l’Autre existe », il n’y a pas d’humanisme décadent ni de religion délirante, il y a autre chose, il y a des êtres à qui l’héritage de l’humanisme ainsi que l’héritage spirituel et religieux permettent d’exister. L’humanisme et le religieux fonctionnent ensemble et non pas opposés l’un à l’autre, si nous avons la sagesse de vivre une culture de l’expérience intérieure, nous serons sauvés du choc des civilisations. Mais si nous continuons à gérer tel que nous le faisons, la question de la laïcité dans le monde d’aujourd’hui, nous allons droit à la catastrophe et vers un cataclysme politico-religieux au niveau mondial.

La vision de Kant

De la même manière, on peut traduire les choses sur un plan Kantien, lorsque Kant analyse la morale, il voit deux choses, d’une part, la morale c’est savoir ce que l’on veut et être libre, d’autre part la morale est liée à un idéal et à une perfection – Je suis un être moral parce que j’ai une volonté et parce que je l’exerce dans le cadre d’un idéal et d’une perfection – idéal et perfection, symbolisés par Dieu.

Au sein de la morale, il n’y a pas d’opposition entre l’Homme et la transcendance, nous devons revenir à l’expérience de la réalité qui se trouve dans toute expérience philosophique intérieure profonde et qui met tout le monde d’accord. Lorsque nous avons affaire à des êtres qui ont un véritable trajet personnel où l’autre existe et où ils existent eux-mêmes, il n’y a pas des croyants opposés à des incroyants, il y a des gens passionnés par cette expérience profonde, humaine et vivante et nous sortons de ce qu’on peut appeler les banalités traditionnelles dans lesquelles nous sommes enfermés.

 

A propos de la notion de tolérance

Si nous voulons traiter de manière sérieuse le politique et le religieux, nous devons arrêter de penser la laïcité sur le mode de la liberté de conscience ou sur celui de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il faut arrêter de penser avec des années voir des siècles de retard. La liberté de conscience s’était passionnant en 1789, aujourd’hui cela ne veut plus rien dire, de même, la séparation de l’Eglise et de l’Etat a eu un sens en 1905 mais aujourd’hui ça n’en n’a plus. Réfléchir sur le fascisme a eu beaucoup d’intérêt en 1936, mais aujourd’hui c’est un faux problème.

Nous nous pensons dans des catégories de 1789, 1905 ou 1936, nous sommes incapables de nous penser aujourd’hui dans nos véritables catégories actuelles. Aujourd’hui il nous manque de vivre dans un monde capable de penser ensemble le politique et le religieux.

Penser le politique

Il faut comprendre ce qui est important pour notre monde, c’est-à-dire pour la vie réelle des personnes.

Il s’avère qu’une partie de la population est à la dérive et totalement déshéritée, il y a des problèmes très graves dans une société comme la France où des gens vivent dans des conditions de pauvreté et de détresse. Il y a de la pauvreté, des gens qui ont décroché du monde du travail, du monde tout court et qui sont complètement perdus. Faire de la politique s’est s’occuper de ces personnes en priorité.

Penser le religieux

Par ailleurs, il faut réaliser qu’une société c’est un idéal, c’est une perfection, c’est une transcendance, c’est quelque chose de plus haut que l’Homme et cela permet à l’Homme de se situer et d’avoir du sens dans sa vie.

Le problème numéro un posé par le monde de demain, est celui du sens, le sens c’est ce qui se passe lorsqu’on reçoit l’appel de la transcendance qui résonne en soi et qui invite à une perfection. Nous avons absolument besoin d’une expérience religieuse intérieure, transcendante et idéale.

Vivre une véritable laïcité

Il est parfaitement possible dans notre société d’avoir le sens de la politique et celui de la religion.

La République française est parfaitement capable de résoudre ce problème parce que la véritable politique de la France est fondée non pas sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, non pas sur la question de la liberté de conscience, mais sur une véritable culture qui a le sens du politique et le sens du religieux.

Elle a le sens du politique parce que c’est un pays de culture où on est capables d’entendre parler de tout, on n’est pas dans une tolérance vide, on ne fonctionne pas négativement, mais positivement, on reconnait que le Bouddhisme, l’Indouisme, l’Islam, le Judaïsme sont des trésors spirituels et nourrissants.

Il y a des pistes, Descartes a eu une vraie expérience qui permet de réconcilier l‘humanisme et la religion.

 

Le politique et le religieux dans l’Evangile

L’épisode où des pharisiens demandent au Christ s’ils doivent payer l’impôt à César donne la solution pour penser  la laïcité. Ceci est une vraie question parce qu’Israël est occupé par les romains et si les juifs paient l’impôt à César, ils risquent d’être considérés comme des collaborateurs mais s’ils ne le paient pas, ils seront considérés comme des rebelles. La réponse du Christ leur donne la possibilité d’éviter d’être pris pour des collaborateurs ou des rebelles.

Le Christ fait venir une pièce et demande qui est sur cette pièce, on lui répond que c’est César, alors Il dit : « rendez à César ce que est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Nous avons là une laïcité qui s’exprime d’une manière totalement neuve par rapport à la manière habituelle de penser la Laïcité.

Le Christ ne parle pas de tolérance, Il ne parle pas de liberté de conscience ni de séparation de l’Eglise et de l’Etat, Il parle d’autre chose, Il parle de rendre. Il ne parle pas de l’Eglise ou de l’Etat, du politique ou du religieux, Il parle de Dieu et de César comme des personnes, Il de situe dans un dialogue de personne à personne et Il dit cette phrase extraordinaire qui consiste à rendre à tout le monde. Dieu vous a donné, rendez à Dieu, César vous a donné, rendez à César.

Cette demande est fondée sur le rendre et elle permet de soigner l’Homme, rendre veut dire qu’on nous  a d’abord donné, nous avons reçu quelque chose, nous ne sommes pas pauvres, misérables et démunis, nous possédons un certain trésor et il faut le redonner.

Sortir du misérabilisme

La vision du Christ sort du misérabilisme dans lequel on a tendance à s’enfermer en tant qu’être humain. Si on écoute les discours des fanatiques religieux ou des humanistes nihilistes, on a l’impression que ceux qui les tiennent se comportent comme des pauvres et des misérables, c’est comme si on leur avait volé quelque chose, ils sont dans la peur et n’ont aucune liberté.

Dans le discours antireligieux on voit la religion comme une menace, on a peur qu’elle prenne ce qu’on a et qu’elle nous étrangle. En Occident on a peur que les fanatiques religieux viennent et prennent la civilisation, autrement dit, que Dieu prenne la civilisation. Mais les fanatiques religieux ont peur que l’humanisme occidental et l’Amérique viennent prendre leur religion. Les uns disent : «  ne touchez pas à notre humanisme » et les autres disent : « ne touchez pas à notre religion », tout le monde est sur la défensive, tout le monde fonctionne dans la misère, comme l’Avare de Molière qui pense toujours qu’on va lui voler quelque chose.

Le christ nous dit que nous sommes riches, l’homme spirituel n’est pas un homme misérable, c’est un homme sur un trône, c’est un homme royal, ce n’est pas lui qui a besoin de César, c’est César qui a besoin de lui, ce n’est pas lui qui a besoin de la religion, c’est la religion qui a besoin de lui, il est riche à foison et il peut donner à tout le monde.

Quand on se sent misérable et démunis, on ne pense qu’à se venger, à s’enfoncer dans une religion ou un humanisme de peur.

Mais imaginez la révolution mentale, si nous étions capables de nous situer dans une vision royale et si on arrêtait d’avoir le sentiment que l’humanisme ou la religion sont en train de nous voler quelque chose. On serait vraiment dans la laïcité, dans la laïcité telle que personne n’en n’a jamais parlé.

Au moyen âge, on a réfléchit sur ce qu’avait dit le Christ à partir de la théorie des deux glaives, on s’est demandé s’il fallait ou non séparer le politique et le religieux, mais personne n’a parlé de la richesse de l’être humain, personne n’a parlé de la royauté de l’homme, personne n’a pensé en termes spirituels.

Ce qui nous manque pour penser la laïcité, c’est une véritable expérience de l’être et du fait d’être réel, une expérience politique et religieuse, une expérience de l’homme royal. Il faut une révolution culturelle, et cela veut dire qu’on soit dans l’Etre avec une véritable expérience et non pas dans l’abstraction car l’abstraction nourrit la peur.

Il faut retrouver quelque chose qui est le contraire de la peur et qui s’appelle la confiance dans la Vie et dans les richesses qui sont en nous.

 

 

Publié par

Hésychia

Je m'appelle Isabelle Hoch et je vous propose des textes et vidéos pour aller vers la paix du cœur et de l'âme.

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