« Mère de Dieu »
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La question des femmes et du féminisme
Nous allons parler de Marie, mère de Dieu et nécessairement nous parlerons de la femme et du féminin. Aborder cette question, c’est aborder l’incroyable violence dont les femmes sont victimes. Il faut se demander pourquoi cette violence contre les femmes. Mon idée est que la femme nous oblige à grandir et que grandir fait peur aux hommes.
Osons cette idée, les femmes sont d’une grande beauté et elles exercent sur les hommes un attrait irrésistible. Mais il y a deux manières d’aborder les femmes, on peut grandir à leur contact ou bien on peut vouloir se les approprier comme un enfant tyrannique qui est d’autant plus violent à l’égard des femmes qu’il a peur que celles-ci lui échappent. D’où les viols et les harcèlements dont les femmes sont victimes.
Aborder la question de la femme, c’est donc aborder quelque chose d’immense à l’intérieur de l’humanité. On ne parle pas du mystère du masculin comme on parle du mystère du féminin, spirituellement et éthiquement, c’est quelque chose de fondamental. Aujourd’hui, il y a des luttes politiques en faveur de la libération des femmes, ces luttes sont courageuses, nécessaires et remarquables. Il y a trois étapes dans le féminisme, la première c’est celui des suffragettes qui, au début du vingtième siècle, réclament le droit de vote et elles l’obtiennent.
C’est un changement majeur qui traduit quelque chose qui semble naturel, mais qui n’était pas naturel à l’époque. Les femmes rentrent dans le monde et peuvent exercer des activités comme les hommes. Souvenons nous que jusqu’en 1965 les femmes n’avaient pas le droit d’avoir un carnet de chèque à leur nom, elles devaient passer par leurs maris. Donc premier féminisme, le féminisme politique des droits fondamentaux et elles enclenchent un processus qui n’est pas encore achevé, elles demandent à être payées comme les hommes car il y a encore des inégalités de salaires absolument scandaleuses entre les femmes et les hommes.
Le deuxième féminisme paraît avec Simone de Beauvoir dans les années 60 où la femme réclame la liberté de pouvoir s’inventer en tant que femme comme elle le veut. C’est le début d’une réflexion sur la symbolique de la femme dans ses enjeux culturels. Très marquée par l’existentialisme, Simone de Beauvoir traduit sur le plan du féminisme, la philosophie de Sartre qui explique que l’homme est condamné à s’inventer, et qu’être homme s’est inventer son humanité. Elle lutte également pour la libéralisation de la contraception et en particulier pour la liberté de l’avortement.
Aujourd’hui, nous avons affaire à un troisième féminisme qui est lié à la théorie des genres et qui vise à dire qui si on veut véritablement libérer les femmes, il ne faut pas hésiter à dire, comme le fait Monique Wittig, une des féministe les plus connues, que la femme n’existe pas. Elle veut dire par là que la femme a été jusqu’à présent enfermée dans des mythes féminins qui contribuent à son aliénation.
On a toujours eu dans l’idée que les femmes étaient faites pour faire des enfants et les élever, qu’elles étaient l’incarnation de la douceur, de la féminité et de la beauté. Résultat, on a empêché les femmes de pouvoir s’inventer et d’être ce qu’elles sont. Si on va au bout de la logique de la libération de la femme, il faudrait pouvoir dépouiller la femme de toutes ces images et la libérer de la notion même de femme. C’est une revendication importante à travers la théorie des genres qui concerne aussi bien la libération des homosexuels que la libération des femmes.
L’idée est que l’hétérosexualité est une invention culturelle qui a contribué à l’oppression des homosexuels, elle va de paire avec le patriarcat qui a opprimé la femme. Cette thèse est développée par Françoise Héritier qui pense que si aujourd’hui il existe une oppression tant des homosexuels que des femmes, c’est parce que nous vivons sous un régime patriarcal. Les hommes ont voulu se reproduire en tant qu’hommes et ils ont mis les femmes à leur service en imposant l’hétérosexualité comme modèle dominant parce que celui-ci leur permettaient de fabriquer des fils. Si on veut libérer les femmes il convient de sortir de ce mythe patriarcal de l’hétérosexualité dominante, mettant les femmes au service des hommes et excluant les homosexuels de la scène sociale.
Le paradoxe du féminisme
Je comprends très bien qu’il y ait ce mouvement de libération des femmes au moment au celles-ci subissent tant de violences, mais je me demande si le mouvement féministe n’est pas en train de passer d’un extrême à un autre, et si on n’assiste pas à un paradoxe qui nous invite à réfléchir sur la femme. Je comprends qu’on ait des raisons de dire que la femme n’existe pas car on aimerait que la femme ne soit pas enfermée dans des mythes et en particulier dans le mythe dévorant de la maternité, mais je me demande si en disant que la femme n’existe pas, on ne porte pas tors à la femme que l’on veut défendre.
Je me demande si les mythes féminins sont aussi destructeurs pour la femme qu’on le pense et si on peut penser les femmes, comme les hommes, sans des archétypes. Je me demande si le problème du féminisme n’est pas de trop ignorer la nécessité de penser la femme ontologiquement et pas simplement politiquement. Est-ce que à force d’existentialiser la femme, on ne lui a pas nui, je me demande si le féminisme, sans le savoir, ne tient pas des propos terriblement masculins à propos de la femme. Est-ce que les femmes seront plus libres quand elles auront le pouvoir et quand elles ont le pouvoir, est ce qu’elles ne parlent pas un langage terriblement masculin ?
Est-ce qu’aujourd’hui le fait de faire de la boxe ou du rugby, libère vraiment les femmes. A force de dire qu’il faut que les femmes puissent faire la même chose que les hommes, les femmes se calquent sur les hommes et on peut se demander ce qui leur reste en tant que femmes. On entend beaucoup parler de sports comme la boxe ou le football féminin où la France brille, et c’est parfait, mais où est la femme spirituelle et ontologique ? Que sont devenus les archétypes féminins ?
On a l’impression qu’aujourd’hui, il y a une grande dureté qui se crée entre les sexes, et sous prétexte de mettre fin à la violence, je me demande si on n’est pas en train d’allumer cette violence. Sous prétexte de permettre aux couples homosexuels d’avoir des enfants, ne va-t-il pas y avoir un tournant dans l’histoire de l’humanité ? La PMA va permettre aux femmes de faire des enfants entre elles, en utilisant l’homme comme un phallus capable de donner du sperme, de manière totalement déshumanisée et dépersonnalisée.
Sous prétexte de la libération des être humains et de la sexualité, on assiste à une séparation car les femmes font des enfants entre elles avec le sperme d’un homme, les hommes vont faire des enfants entre eux avec le ventre d’une femme. L’homme et la femme ne vont plus collaborer pour pouvoir, ensembles, faire un enfant, et je me demande comment la société peut tolérer cela.
Le caractère symbolique de la femme
Je pense que pour libérer les femmes, il faut bien évidemment des luttes politiques pour que les droits fondamentaux soient respectés, pour que les salaires soient respectés, je comprends très bien que la femme puisse désirer s’inventer en tant que femme. Mais il nous faut aussi penser au caractère symbolique de la femme et je m’aperçois que lorsqu’on dit que la femme doit pouvoir s’inventer, il y a un vide symbolique qui pèse lourd sur les femmes, c’est une vision totalement dés-érotisée, déshumanisée et désincarnée. Il ne s’agit plus de penser simplement la liberté, mais de penser la neutralité totale des sexes.
Aujourd’hui, lorsque nous pensons la sexualité, nous nous pensons dans le schéma de la transsexualité au nom de la liberté. L’hétérosexualité et la différence homme femme seraient des inventions culturelles, la vérité serait dans un sujet neutre qui serait au-delà de l’homme et de la femme et qui pourrait choisir l’homme ou la femme comme il le veut. Nous en sommes à l’apparition d’une nouvelle figure totalement inédite à l’intérieur de la société et à l’intérieur de l’humanité, celle d’un être asexué qui peut décider d’être homme ou femme.
Cette vision des choses renvoie à une vision complètement dé-symbolisée et désincarnée de l’être humain. Bien sur, nous devons dire oui à la liberté et au respect, mais il est également très important de dire oui à la symbolique et aux archétypes, autant pour les hommes que pour les femmes.
Je voudrais revenir sur cette phrase dont on a tant parlé à propos de Simone de Beauvoir mais qu’elle a elle-même dépassée. Nous avons tous entendu dire : « on ne naît pas femme, on le devient » et quand on prononce cette phrase, tout le monde trouve cela génial. Cette phrase est inspirée par l’existentialisme de Sartre qui s’oppose à l’essentialisme, elle voulait dire qu’il n’y a pas une donnée éternelle déposée dans la femme, il n’y a pas d’essence de la femme tout comme il n’y a pas d’essence de l’homme ni de nature humaine.
L’essence du féminin et du masculin
Je ne suis pas tout à fait d’accord pour dire qu’il faudrait penser la femme uniquement de manière existentielle, comme quelqu’un qui peut s’inventer comme il veut. Tout d’abord, cette phrase de Simone de Beauvoir, n’est pas un « scoop », c’est même d’une banalité confondante. On ne voit pas une femme sortir directement du ventre de sa mère avec son manteau et son sac. Bien évidemment, il y a tout un devenir qui passe par le fœtus, le bébé, l’enfant, puis la jeune femme, la femme, etc.… De plus, si on ne nait pas femme, on nait tout de même fille ou garçon, et une des premières questions à la naissance d’un enfant est pour connaître le sexe de l’enfant.
Je pense qu’il y a une essence du féminin ainsi qu’une essence du masculin, et je trouve que cela est libérateur. C’est Sartre lui-même qui le dit, d’un côté il dit qu’il n’y a pas de nature humaine et que l’homme doit pouvoir s’inventer, mais d’autre part il nous dit que l’homme est condamné à être libre, en substance, l’essence de l’homme est la liberté. Il n’y a pas de nature humaine parce que la nature humaine est justement de ne pas en avoir et de pouvoir l’inventer. Je pense qu’il y a toujours une nature et une essence, mais ce n’est pas quelque chose qui nous empêche d’exister.
Une essence c’est ce qui fait que nous pouvons êtres ce que nous sommes, un certain nombre de données constitutives et stables qui sont notre noyau d’être. La nature humaine c’est d’appartenir à l’humanité et notre nature c’est d’être des hommes, nous ne sommes pas des éléphants ou des chênes. Nous avons une place spécifique dans la nature et il y a un certain nombre de choses qui nous correspondent spécifiquement, en particulier nous avons l’essence de la culture et de la symbolisation. C’est la capacité d’avoir une vie intérieure qui nous permet de faire vivre des mondes. Retirez à un homme sa culture et sa capacité de symbolisation, vous en faites l’être le plus malheureux qui soit car il ne peut pas exprimer ce qu’il est.
La liberté, c’est la manifestation infinie de la liberté intérieure et de la capacité de faire vivre notre culture. Des hommes et des femmes se sont battus pour la liberté intérieure et certains préféraient mourir plutôt qu’on leur retire leur liberté, leur vie intérieure et leurs caractères symboliques. Lorsque les terroristes veulent faire mal, ils frappent sur le symbolisme, sur la liberté et sur la liberté intérieure. Il faut donc être assez humble car il y a quelque chose que l’intelligentsia postmoderne refuse, c’est ce qu’on peut appeler « le toujours déjà là », c’est le socle sur lequel nous pouvons nous construire et grandir et il faut qu’il existe. Pour construire, il faut partir de quelque chose qui nous est donné, il faut des outils et des matériaux.
Quand nous pensons qu’il n’y a pas d’essence, nous rêvons, car il y a toujours une essence. Il y a une essence du féminin et du masculin qui sont données dans le corps de l’homme et de la femme et qui font qu’un homme ne fonctionne pas comme une femme, c’est ce qui leur permet d’être ce qu’ils sont et de se rencontrer. Il y a un rapport entre le sexe et la symbolisation du sexe, il y a quelque chose chez l’homme qui est lié à l’émission et quelque que chose chez la femme qui est lié à la réception, et il y a une relation entre « l’émetteur » et le « récepteur ». Est-ce que dire cela c’est enfermer la femme dans la réceptivité et l’homme dans le caractère émetteur ? Je dirai oui et non.
Il est vrai que les fonctions masculines et féminines données dans le corps ont été travaillées culturellement, et elles ont donné lieu à ce que critique la théorie du genre, à savoir le fait qu’on ait survalorisé le masculin et le féminin pour des raisons de pouvoir. Mais en même temps, nous avons en nous, grâce à la structure qui nous est donnée, une boussole qui nous permet de nous guider. Je suis un être humain, j’ai besoin de symboliser, je suis amené à spiritualiser les choses et ceci est une boussole, un guide dans ma vie. Ce qui nous guide dans la vie, c’est qu’il y ait des choses qui nous élèvent et d’autres qui nous dégradent.
Ce qui nous élève, c’est ce qui nous permet de symboliser et d’avoir une vie intérieure, une vie spirituelle et morale qui nous permet de lutter contre la barbarie. Si nous supprimons cela en nous, nous n’avons plus de boussole pour nous guider dans la vie.
Il y a des moments où, lorsqu’on est une femme, on réagit en tant que femme et lorsqu’on est un homme on réagit en tant qu’homme. Ce qui nous permet d’aimer et d’avoir des relations amoureuses et affectives, c’est qu’il y a quelque chose en nous qui le vit et qui nous pousse à cela.
Dans l’homme, il y a un désir de virilité, de même que dans la femme, il y a un désir de féminité. Il y a un plaisir de la féminité et de la masculinité, un plaisir de se sentir conforme à sa masculinité ou à sa féminité. En ce qui concerne la féminité il suffit de consulter des magasines féminins pour voir qu’il y est question du plaisir de se sentir femme en s’habillant et en se maquillant comme une femme. Il est dit que c’est bon de se sentir femme et je pense qu’il en est de même pour les hommes.
Les archétypes du féminin et du masculin
Il est également important d’aller dans les archétypes masculins et féminins. A propos de la vie symbolique du masculin et du féminin, il y a deux éléments que je trouve importants. Le premier se trouve dans le taoïsme chinois et le deuxième se trouve dans la poésie romantique. La poésie et le taoïsme ont tous les deux réfléchit sur le masculin et le féminin. La vision du Tao est formée sur le couple masculin féminin, on a l’idée que le monde tient en équilibre grâce à la relation du masculin et du féminin.
La relation du masculin et du féminin donne la fluidité parce que le masculin et le féminin sont des complémentaires qui vont participer ensemble à l’élaboration du même mouvement. Si on revient au masculin principe actif et au féminin, principe réceptif. La relation masculin / féminin signifie que l’homme et la femme ensembles, se renversent. La femme permet à l’homme de se renverser en allant de l’actif vers le réceptif et l’homme permet à la femme de se renverser en allant du réceptif vers l’actif. Le masculin et le féminin ensemble se révolutionnent pour laisser la vie couler à travers eux.
La même chose se trouve dans la poésie romantique avec un accent particulier sur le féminin. Dans « la poétique de la rêverie » de Bachelard, celui-ci explique que le grand drame de la culture occidentale c’est d’avoir une vision masculine des choses en ayant totalement oublié d’avoir la vision féminine. La culture masculine, c’est la science, la rationalité, la maîtrise, la culture féminine, c’est la poésie, la rêverie et l’ouverture à la vie de l’inconscient. L’équilibre de la personnalité se trouve lorsqu’il y a relation entre l’homme et la femme, entre le masculin et le féminin, entre la raison et l’intuition.
Le point commun entre le masculin et le féminin est la psychanalyse qui doit lutter contre deux choses, premièrement le fait de se laisser capturer et d’autre part, le fait de capturer. Pour faire de la science, il ne faut pas se laisser capturer par les images et il faut être dans la maîtrise par rapport à la capture qui s’empare de nous. Mais pour être dans la poésie c’est l’inverse, il faut se laisser captiver (et non pas capturer) pour vivre les images.
Ce qui manque à la métaphysique occidentale, c’est ce qu’on pourrait appeler une philosophie du mariage, cette philosophie se trouve dans la théologie fondamentale que l’on trouve dans le judaïsme et en même temps au cœur du christianisme puisque la caractéristique de la vie en Christ c’est cette noce qui se trouve au fond de la vie mystique et spirituelle
Penser véritablement l’homme et la femme, c’est rappeler qu’il y a quelque chose de l’ordre du masculin et du féminin inscrit extrêmement fort à l’intérieur du corps. Ceci permet de se repérer dans l’existence, et de symboliser.
L’expérience ontologique du couple
Aujourd’hui pour légitimer la théorie du genre, on se sert du terme de « bisexualité psychique », mais d’une part, la bisexualité est une chose et d’autre part, le féminin et le masculin symboliques en sont une autre. Il y a là un jeu linguistique un peu dangereux, car la bisexualité veut dire que quelqu’un a deux sexualités et qu’il va aussi bien faire l’amour avec des femmes qu’avec des hommes, on est dans l’ordre des pratiques sexuelles. Au niveau psychique on est dans l’ordre d’une pratique symbolique liée à la relation entre la réceptivité et l’activité qui permet de déboucher sur une mutation intérieure.
Nous commençons à rentrer dans l’expérience ontologique du couple qui est une expérience authentiquement révolutionnaire car elle permet d’accoucher de l’humanité. Notons que Simone de Beauvoir termine son ouvrage « Le deuxième sexe » en faisant une apologie de la transcendance et une apologie du couple en citant Marx. Elle dit que l’essence de l’homme, c’est de se transcender, c’est à dire d’aller au-delà de lui-même, dans la complémentarité entre l’homme et la femme. Marx dit que l’humanité ne pourra se libérer qu’en libérant la relation homme / femme. Je pense qu’aujourd’hui, Marx et Simone de Beauvoir seraient exclus des mouvements de libération en ayant une vision trop hétéro-centrée.
Tous deux veulent dirent que les hommes doivent absolument découvrir leurs noces intérieures et pour cela ils doivent faire l’expérience du couple fondamental qui consiste à vivre le féminin et le masculin, c’est à dire l’activité et la réceptivité pour donner, non pas la neutralité comme c’est le cas aujourd’hui, mais la révolution qui permet la mutation du visible vers l’invisible et de la matière vers l’esprit.
Aujourd’hui, nous avons affaire à quelque chose de totalement faussé, on désire aller au-delà de l’opposition entre l’homme et la femme et pour cela on pense qu’il faut supprimer la notion d’homme / femme pour la remplacer par un sujet neutre qui pourrait choisir le masculin ou le féminin, ou les deux ensembles comme il veut. C’est un sujet neutre tout puissant qui ne fait absolument pas sa révolution intérieure. Ce qui est doublement catastrophique car nous risquons d’une désexualisation et à l’apparition d’un individu neutre qui ne fait pas sa révolution intérieure. Tandis que lorsque l’on vit la relation homme / femme, c’est autre chose. Cette relation est nécessairement révolutionnaire et elle vise à accoucher de notre être spirituel.
Je pense que c’est pour cela que les hommes violent les femmes, ils réagissent d’une manière primaire car ils sentent que s’ils vont au contact profond de la femme, la femme va les obliger à grandir et ils ne pourront plus jouir d’elle comme un enfant qui veut jouir du corps de sa mère. Ces hommes ne veulent pas faire leur révolution au contact de la femme et ne veulent pas aller dans la libération véritable de leur être intérieur.
Marx pressent qu’il faut absolument qu’il y ait une révolution dans l’humanité pour que l’humanité commence à avoir une histoire, ainsi qu’une libération de l’homme et de la femme, ce qui revient au même. Simone de Beauvoir qui est quelqu’un de profond, pense également cela. Penser le féminisme et la femme, ce n’est pas détruire le couple, c’est au contraire aller dans cette dimension d’évolution.
La confusion entre stéréotypes et archétypes.
Aujourd’hui, il y a une volonté de lutter contre les stéréotypes qui ont tendance à enfermer la femme dans des images. Le problème c’est que cela ne va pas du tout vers l’individu révolutionnaire qui va accoucher de son être spirituel, mais cela va plutôt dans le sens de l’individu neutre désexualisé qui ne fera pas sa révolution et qui sera simplement un consommateur dans la toute puissance qui pourra choisir, l’homme, la femme ou la bi-sexualité, comme bon lui semble.
Je suis tout à fait d’accord pour libérer l’esprit des stéréotypes, mais je reste stupéfait que cela puisse se passer à l’école. Les élèves n’ont reçu aucun éducation morale, aucune éducation civique, mais tout d’un coup, par un effet de mode, on va faire des cours d’éducation au genre. Pour le moment ça n’est pas en vigueur mais il en a été question, comme si c’était une priorité.
Ce qui est plus ennuyeux, c’est la confusion qu’il peut y avoir entre stéréotype et archétype. En particulier l’erreur que l’on fait à propos de l’éternel féminin. On pense qu’il est aliénant pour la femme d’être lié à l’archétype de l’éternel féminin. Ors, je pense que ce qui est aliénant pour une femme, c’est d’être existentialisé et non pas ontologisé.
L’éternel féminin c’est quelque chose de magnifique, qui dépasse toutes les femmes et dont toutes les femmes sont porteuses, c’est lié en particulier à quelque chose qui est de l’ordre du mystère et du respect devant le mystère. Toute femme a quelque chose de beau et d’intelligent qui sera toujours beau et intelligent et qui n’appartient qu’à elle. L’éternel féminin émane de la réceptivité et appartient en propre à la femme, c’est quelque chose contre laquelle l’histoire, les cultures et les vicissitudes du monde ne peuvent rien.
L’éternel féminin dit aux hommes qu’ils pourront faire tout ce qu’ils voudront aux femmes, ils ne pourront pas les détruire, ils ne pourront pas les abimer, parce qu’il y a en elles quelque chose qui va infiniment plus loin. Je trouve que c’est quelque chose de libérateur. Lorsque la femme est existentialisée, il y a un discours existentiel très dur qui enferme la femme et que l’on trouve chez Sartre ou chez Camus.
Dans ce discours, la femme n’est plus du tout protégée et le discours qui est tenu est extrêmement culpabilisant. Il consiste à dire que si les femmes sont amenées à souffrir, ce sera de leur faute car elles ne se seront pas battues. C’est un problème général, on enferme les hommes et les femmes dans la peur et on leur apprend le couple, le féminin et le masculin dans la peur. Pour Sartre et pour Camus, dans la vie, il n’y a que le désespoir qui fait agir et c’est l’absence totale de salut qui nous sauve. Je pense que cela n’a jamais sauvé quelqu’un mais qu’au contraire, ça le met dans des conditions stressantes.
Le monde romantique a essayé de rappeler qu’il y a quelque chose dans la femme qui résiste et qui est plus fort que l’histoire avec sa violence et ses contingences.
La symbolique de Marie
A l’intérieur du féminin, il existe quelque chose de magnifique qui est la symbolique de Marie, la mère de Dieu. On se pose toujours la question de la place de la femme dans le Christianisme. Il est vrai qu’il y a beaucoup à faire car la société chrétienne a été très marquée par le patriarcat et la masculinité, les cultures en place ont souvent été plus fortes que la culture chrétienne et la femme a souvent été dominée. Ce qui est très ennuyeux c’est qu’en ayant ce rapport dominateur sur les femmes le christianisme n’est pas à la hauteur du christianisme lui-même. Parce que, ce qui apparaît dans le christianisme, c’est un message totalement libérateur à l’égard de la femme. Je vois trois éléments fondamentaux dans la signification de Marie.
Le salut vient par la femme
Premièrement il y a quelque chose de totalement nouveau dans l’inconscient de l’humanité. Jusqu’à présent il était dit que la chute dans l’humanité venait de la femme, c’est Eve qui avait séduit Adam et qui était responsable de sa chute, la femme était pécheresse. Ce qui est tout à fait nouveau, c’est l’idée que le salut vient dans le monde à partir de la femme et il est très important que ceci soit dit avant la naissance du Christ et avant sa résurrection. Marie est très importante car le Christ prend toute sa signification parce que Marie existe. La signification de Marie, c’est la sortie de la malédiction, non seulement les femmes ne sont pas maudites, mais toute l’humanité n’est pas maudite.
Le salut vient de l’intérieur de l’humanité
Le deuxième élément, c’est que Dieu peut venir de l’intérieur de l’humanité, le Salut peut venir de l’intérieur de l’humanité. Il est remarquable que dans la construction symbolique il y ait une cohérence, et on pourrait dire que si Marie n’existait pas, il faudrait l’inventer. Dès la naissance du Christ, le Salut est là, le salut, ce n’est pas simplement le Christ qui vient et qui sauve, mais c’est un ensemble. Toute l’humanité est concernée par le salut, car toute la féminité, toute la culture et toute l’humanité sont marquées par la malédiction. Le discours existentialiste en est témoin qui dit que si on pense qu’il y a un salut on ne pourra pas s’en sortir car la condition de l’humanité, c’est « pas de salut », parce que si on dit aux hommes qu’il y a un salut, ils ne vont rien faire et attendre le salut.
Ce discours est un discours de malédiction car il sous-entend que les hommes sont paresseux et que pour bousculer la paresse, il ne faut pas qu’il y ait de salut. Or, ce que nous découvrons, c’est que le salut est possible, le salut est donné à l’humanité, les hommes en feront un très bon usage et les femmes ne sont plus responsables du malheur de l’humanité.
Le féminin, c’est la réceptivité, ce n’est pas la passivité, c’est quelque chose d’extraordinaire car c’est la même chose que l’expérience de l’invisible. C’est le fait de dire qu’il y a une vie dans l’invisible, et ce qui ce passe dans le ventre de la femme, c’est exactement cela. Le ventre de la femme est le laboratoire de l’humanité, tout comme l’invisible.
La virginité de marie
A propos de la virginité de Marie, on est dans la myopie totale, on dit que ce n’est pas possible et qu’une vierge ne peut pas devenir mère. Or, je dirai, comme Annick de Souzenelle que seule une vierge peut devenir mère et que toute femme qui est devenue mère, quelque part, était vierge et a vécu une expérience de virginité car, pour être mère il faut être dans la radicale nouveauté. La virginité de Marie veut dire qu’il y a quelque chose en elle qui est radicalement neuf pour accueillir quelque chose de radicalement neuf.
Est-ce que certains couples ne seraient pas infertiles parce que dans l’inconscient de l’homme ou de la femme, quelque chose empêcherait la nouveauté d’apparaître ?
Marie « Mère de Dieu »
Au quatrième siècle après Jésus Christ, il y a eu une controverse développée par Cyril d’Alexandrie qui demandait si Marie devait être appelée mère de Jésus ou bien mère de Dieu. Il a été décidé de l’appeler « mère de Dieu », ce qui est ahurissant, car une femme ne peut pas être la mère de Dieu puisque c’est Dieu qui a créé Marie et non pas Marie qui créé Dieu. Lorsqu’on dit « Marie mère de Dieu » est-ce qu’on ne provoque pas une inversion terrible qui ferait de Marie la créatrice de Dieu ? On serait dans une espèce de folie.
Cependant, c’est l’inverse qui se passe car si on dit que Marie est mère de Jésus et pas mère de Dieu, tout le mystère du Christ s’écroule, Marie est la mère d’un être humain et c’est une femme comme une autre. Marie n’est pas la mère d’un être humain, elle est la mère de l’humanité et en ce sens elle est la mère de Dieu. Tout vient d’elle parce qu’elle est porteuse d’un mystère qui dépasse l’humanité et qui est la sortie de la malédiction, la sortie de la chute. Marie est l’incarnation du fait que le salut est possible dans le monde, le salut n’est pas parachuté dans le monde par les armées célestes mais il vient de l’intérieur d’une femme à l’intérieur de l’humanité. On est devant quelque chose de prodigieux, Marie est la mère de l’anthropologie et on a raison de dire qu’elle est la mère de tous les hommes. Se relier à Marie, c’est se relier à la possibilité du salut pour l’humanité.
Cela se traduit par le oui que dit Marie à Dieu quand il lui demande de porter en elle le Christ. En ces temps de GPA, on pourrait se demander si Marie ce ne serait pas une gigantesque gestation pour autrui. Mais il y a une grande différence entre la GPA et Marie. Lorsqu’un couple homosexuel veut un enfant, il achète un utérus pour porter un enfant qui n’est pas du tout porteur d’un salut mais d’un besoin psychologique et social, pour combler un vide. Dans le cas de Marie, il ne s’agit pas d’acheter un ventre, Dieu n’a pas à combler un manque et il s’agit ici, de révéler ce qui se passe dans toute gestation.
Toute gestation est double, quand une femme porte un enfant dans son ventre, elle ne porte pas simplement son enfant, elle porte quelque part, l’enfance et la nouveauté de l’humanité, elle porte le salut de l’humanité. Il y a ici une extension totale de la notion de naissance et de grossesse. Cela peut être mis en relation avec ces passages de l’Evangile où le Christ dit à propos d’une action ordinaire qu’elle participe au royaume. Il y a toujours une extension ontologique de ce que l’on fait sur le plan humain, lorsqu’on agit de tout son être, on agit en même temps sur le plan céleste. C’est cette relation entre les deux qui fait ce que l’on est.
Ce qui est extraordinaire à propos de Marie, c’est qu’il se dit dans l’humanité, des choses qui n’avaient jamais été dites et qui permettent de libérer totalement l’humanité et les femmes de la malédiction, mais également la culture et la manière d’envisager les choses. Les hommes ne se rendent pas compte de ce dont ils sont porteurs. Pour vivre une libération de la femme dans notre monde, il faut certainement des lois politiques et économiques mais il faut également des lois symboliques et une révolution spirituelle. La plus belle révolution spirituelle serait que nous nous rendions compte de ce qui se passe quand nous vivons, et que nous prenions conscience de ce que peut être le féminin à l’intérieur de l’histoire. Si nous commencions à avoir quelque imagination de ce que peut être la femme, on verrait peut-être celle-ci comme un don céleste qui nous a été fait et on pourrait commencer à la respecter.