Le péché contre l’esprit ne sera pas pardonné

La religion d’Amour

Le christianisme est présenté comme une religion de l’amour. Derrière l’amour, il y a une humanité totalement rénovée et c’est ce que signifie la résurrection. On ne comprend pas le christianisme si on oublie d’introduire cette notion de rénovation totale. L’amour dont il est question est bien au-delà de l’empathie, c’est un amour qui pénètre dans les structures les plus profondes de notre être et il faut absolument lier l’humain à l’ontologie et pas simplement ramener l’ontologie à l’humain.

L’amour dont il est question dans les évangiles va bien plus loin que celui dont on a l’habitude de parler. La vie en Christ amène un style de vie, une vie extraordinaire vivante et extraordinairement neuve. Généralement, on pense à adapter le christianisme aux évolutions de la société, mais cette manière de voir est catastrophique, car c’est plutôt au monde de s’adapter au christianisme et c’est au christianisme de s’adapter au Christ, c’est-à-dire à la vie totalement neuve qui est proposée.

Si les chrétiens avaient le sens de cette vie totalement neuve, ils n’auraient aucun problème d’adaptation avec le monde parce que, que l’on soit chrétien ou pas, nous sommes tous en-deçà de cette vie, et si on comprend soi-même qu’on est loin de cette vie totalement neuve, on comprend que les autres le soient. On n’est pas en face du monde, on est avec le monde. On a souvent tendance à penser l’Eglise face au monde, c’est très ennuyeux car cela situe l’Eglise dans une position de vérité et de supériorité qui l’empêche d’apporter sa parole et son esprit. Si j’arrive dans le monde en disant « moi je sais et vous, vous ne savez pas » je ne suis pas dans les meilleures dispositions pour faire passer ma parole, mais si je pense que nous sommes tous en deçà de la vie totalement neuve qui nous est proposée, j’ai une relation fraternelle, ouverte et libre à l’égard du monde.

Ce n’est pas moi qui dois faire passer le message de l’Evangile aux autres, c’est moi qui doit d’abord faire passer le langage de l’Evangile pour moi et si j’ai conscience que je suis bien en deçà de l’enseignement du Christ et de la parole des saint et des pères, il y a de fortes chances pour que mon message qui ne passait pas, passe. C’est pour cela qu’il y a un lien entre la prière, l’universel et le pardon. Ce lien c’est la vie totalement neuve à travers la prière qui est l’extrême attention à la vie, à travers l’amour universel qui est l’extrême liberté de l’esprit capable d’aller à la fois dans l’unité et dans la diversité, et enfin à travers le pardon.

Ne rien pardonner ou tout pardonner ?

Je pense que le pardon est l’essence même de la vie neuve et c’est ainsi qu’il faut le comprendre. Nous avons beaucoup de mal à comprendre le pardon parce que nous sommes marqués par deux attitudes contradictoires mais qui ont tendance à se développer ensembles. La première c’est l’absence de pardon qui fait penser à la série TV « Dallas, un monde impitoyable », la deuxième c’est la faiblesse du monde, et l’ensemble donne la situation dans laquelle nous sommes par rapport au pardon, d’un côté, on a tendance à ne rien pardonner et de l’autre à tout pardonner. L’un comme l’autre est une erreur.

Il est important de montrer que la justesse du pardon Christique et chrétien n’a rien à voir avec le fait de tout pardonner car tout pardonner n’est pas la porte ouverte sur l’amour, mais sur une extrême dureté. De la même manière que l’extrême dureté d’un monde sans pitié est la porte ouverte sur un monde totalement faible. Les relations dans un monde ignorant sont des relations de dureté et de faiblesse.

Le monde de la dureté est celui de l’égoïsme radical et aveugle qui ne pardonne rien parce qu’il n’a pas l’intention de lâcher quoi que ce soit de son désir tyrannique, d’où l’extrême violence de ce monde. La vision de Hobbs « l’homme est un loup pour l’homme » correspond bien à l’égoïsme ordinaire de l’idéologie capitaliste du gagnant qui n’a peur de rien et qui utilise tous les moyens pour satisfaire son désir de domination, de pouvoir et d’avoir. Ce monde et un monde de faiblesse car comme le montre Socrate dans Le Gorgias, le tyran qui ne pense qu’à satisfaire ses désirs, est l’esclave de ses désirs. Le monde sans pitié est esclave de son désir d’avoir et de pouvoir. C’est monde est faible, car incapable de résister à la tentation de la dureté.

S’il y a le monde sans pitié, il y a aussi le monde de la pitié qui fait penser à ce que l’on entend souvent dans les médias. Lorsqu’il est question de morale, on s’aperçoit que l’on est de plus en plus laxiste et de moins en moins exigeant au nom de l’humain, on pardonne de plus en plus, on comprend, on ne juge pas, on baisse de plus en plus le niveau d’exigence et plus on baisse le niveau d’exigence, plus le monde devient dur.

Finalement nous nous trouvons dans la terrible confusion à propos du pardonnable et de l’impardonnable. Le monde qui ne pardonne rien est aussi celui qui a tendance à excuser le pire. La faiblesse et la dureté ne sont pas opposées, mais analogues.

Le pardon de Dieu

L’amour de Dieu et du Christ qui pardonne n’est pas celui qui pardonne tout au sens où nous l’entendons. Cette confusion nous oblige à redéfinir ce qu’est le pardon et comment celui-ci se structure.

Il faut d’abord voir que le pardon s’enracine dans trois éléments fondamentaux : la loi, la parole et ce qui va au-delà de la loi et de la parole.

La loi

La règle de la réciprocité permet à nos relations de se structurer, je donne et je reçois, je ne prends rien sans donner et je ne donne rien sans recevoir quelque chose en échange. Il y a un équilibre entre ce que l’on donne et ce que l’on reçoit, qui permet d’éviter la position de l’esclave et du tyran. Il est très important d’introduire la notion de loi comme médiation, car si celle-ci est absente, nous sommes dans le monde de la dureté/faiblesse, nous somme dans le monde du sentiment qui n’est pas médiatisé par une règle.

Le pardon commence par respecter la règle du don et du contre-don, il s’inscrit dans cette règle d’équilibre et d’échange. Il est important de se situer par rapport à la règle en la respectant et non pas par rapport aux individus. Le pardon n’est pas une affaire d’individu, c’est une affaire de règle. Ce qu’il y a à respecter, ce ne sont pas les personnes, mais c’est le respect. On pense qu’il faut respecter les personnes, mais c’est ce que réclament les truands en prison, le truand veut être respecté à la place de la loi parce que la loi, c’est lui. Le monde qui ne respecte rien confond le respect des personnes avec le respect lui-même et il fait du respect une affaire de personnes, ce qui fait que l’on a affaire à un respect sélectif.

Lorsque le respect devient une affaire personnelle, nous respectons les gens qui nous respectent et pas ceux qui ne nous respectent pas. Ors la caractéristique du respect est de respecter le respect et non pas les personnes, ce qui fait que je respecte tout le monde, non pas pour des raisons personnelles mais parce que je fais tout avec respect.

Cela permet de comprendre les erreurs que l’on fait et à qui il faut demander pardon. Les erreurs que l’on fait, c’est de ne pas comprendre ce qu’est la loi, de ne pas la respecter et de ne pas demander pardon à la loi. La loi et le respect, c’est ce que l’on outrage tous les jours. Si nous étions dans une attitude de respect nous aurions une authentique vie spirituelle, la prière, c’est la même chose que le respect, c’est une extrême attention à la parole et à la règle, c’est cela qui va permettre à l’autre d’exister. Pardonner, c’est se mettre en règle avec la règle, c’est rétablir un équilibre qui a été rompu.

Rentrer dans la logique du pardon c’est donner quelque chose lorsque je reçois et c’est également  réclamer quelque chose lorsque je donne, c’est respecter les droits et les devoirs, c’est rétablir l’équilibre du don et du contre don. Ainsi on évite le reproche qui est souvent fait au pardon en disant qu’il est facile de demander pardon lorsque la faute a été commise. La demande de pardon apparait alors comme le moyen de se dédouaner d’avoir été fautif et comme le comble de l’hypocrisie.

Le pardon n’est pas une parole prononcée en l’air, c’est un acte de la loi. La demande de pardon va de pair avec la réparation du tors effectué. Pardonner, c’est aussi faire respecter ses droits. Je dois donner mais l’autre doit aussi donner, je veille à mon propre don et je dois veiller au don de l’autre. On est dans une logique où tout le monde donne.

Un psychiatre de ma connaissance concevait la pratique du pardon comme un échange gratifiant, il est gratifiant de se demander pardon les uns aux autres. Cela est particulièrement vrai pour celui qui donne le pardon car, en quelque sorte, il récupère une part de ce qui lui a été pris. Le pardon évite que les êtres demeurent avec la honte pour les uns et la colère pour les autres. Ce psychiatre voulait que tout le monde se sente gratifié dans une nouvelle relation.

Je pense que ce médecin avait une bonne idée mais qu’il était maladroit parce qu’il introduisait dans la gratification, une attitude complaisante qui n’était pas très claire. Le pardon était proposé comme « une bonne affaire » où chacun gagne quelque chose, l’offenseur apparaissant comme humble et l’offensé magnanime. Cette idée me semble maladroite parce qu’on ne peut pas rétablir une relation entre deux individus sur le mode du calcul. Cela donne l’impression que l’on n’est pas sincère et que le cœur ne s’est pas transformé.

Bien sûr, il ne faut pas être naïf, on ne peut pas demander aux gens, du jour au lendemain, d’être dans une suprême bonté en demandant et en donnant le pardon. Ce n’est pas possible tel quel, mais je pense que c’est une erreur de voir la logique du pardon sur le mode d’un calcul. Il bien meilleur de penser celle-ci sur le mode de l’équilibre, de l’harmonie et de la réciprocité dans une pédagogie de la logique et de la cohérence. Il me semble plus juste de dire à quelqu’un que si on lui prend quelque chose et qu’il ne reçoit rien en échange, il se sent lésé. On peut alors lui expliquer que l’autre est comme lui, qu’il n’aime pas donner sans recevoir.

Dans les Evangiles, il est dit de faire aux autres ce que l’on voudrait qu’ils nous fassent. Restons dans la logique de l’échange et comprenons que l’acte du pardon consiste d’abord à respecter la loi. A la fin des Possédés de Dostoïevski, Stavroguine, héros nihiliste se confesse à un starets en expliquant sa colère contre Dieu, il ne demande pas pardon et la dernière parole de son confesseur est celle-ci : « Si simplement, vous pouviez vous pardonner !». Cela peut vouloir dire : « Arrêtez d’être coupable et retrouvez votre innocence », je pense que cette relation va de pair avec la loi et le starets l’a parfaitement compris. Il n’est pas dans les bons sentiments, il comprend que Stavroguine veut prendre sans donner parce que celui-ci a l’impression d’avoir donné sans recevoir, il a l’impression d’avoir été volé parce qu’il a totalement perdu le sens de la loi et de l’équilibre entre ce qu’on donne et ce qu’on reçoit. La profondeur du Starets, c’est de dire à Stavroguine que le jour où il arrêtera de penser qu’on lui a pris quelque chose, il arrêtera de se venger en prenant sans donner.

Fondamentalement, le nihiliste pense que Dieu a pris quelque chose à l’homme et qu’Il l’a placé dans la condition de souffrance où il se trouve. Les révolutionnaires comme le grand Inquisiteur de Dostoïevski veulent se venger et rétablir l’équilibre par la tyrannie. Mais la vérité est que Dieu n’a rien pris, l’homme a tout en lui-même et doit arrêter de vouloir se venger.

La logique du pardon c’est d’être dans la logique de la justice et dans l’Esprit. Il y a deux choses à faire : d’une part veiller à donner et à rétablir l’équilibre lorsque ce n’est pas fait, d’autre part, veiller à ce que l’autre donne et rétablisse l’équilibre. On est dans une communauté humaine harmonieuse où tout le monde donne et où tout le monde reçoit. Mais l’expérience du pardon va plus loin que cela car vient le temps de la parole.

La Parole

Il est très difficile de demander pardon parce qu’on ne fait pas attention au fait de demander et de donner le pardon. Dans une certaine logique qui se veut pieuse et religieuse, on considère qu’il faut tout pardonner. On demande même de pardonner avant la demande de pardon, ce qui est grave car il doit y avoir le moment de la demande de pardon et celui où le pardon est donné. De ce fait on culpabilise les gens et on les met dans l’incapacité de pardonner. Ce qui est grave, c’est qu’on fait l’économie du langage et du travail psychique qui va avec le langage.

Le pardon passe par la loi mais il passe aussi par la parole pour le demander et le donner. Demander pardon demande une révolution intérieure incroyable, c’est s’humilier devant l’autre et reconnaitre ses torts.  Ce n’est pas simple car tout être humain a de la fierté et de l’orgueil et quand il a tort il a de grandes difficultés à le reconnaitre. Arriver à demander pardon est un véritable travail de purification et quand on est capable de dire que l’on a tort et que l’on demande pardon l’effet est assez extraordinaire sur l’autre et sur soi-même.

C’est quelque chose de « miraculeux » parce que l’on sort des mécanismes infernaux de culpabilisation et de malédiction. Si, alors que j’ai tort, je ne reconnais pas mes torts, l’autre est fou furieux et moi-même, je rentre dans une logique de sur enchère, et de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre mes torts. Lorsqu’on ne reconnait pas ses torts, d’une part on crée un mécanisme de ressentiment chez l’autre qui est terrible, et d’autre part, pour justifier la position dans laquelle on est, on part dans un mensonge qui devient de plus en plus énorme et de plus en plus pervers. On se retrouve dans un mécanisme de folie et de délire.

Lorsqu’on dit « J’ai tort, vous avez raison et je vous demande pardon », on neutralise ce mécanisme de folie et de délire chez l’autre et en soi, on guérit tout le monde. On n’est plus dans le domaine de la loi, mais dans le domaine de la parole, et là, quelque chose est soigné dans le cœur et dans l’âme. La relation est réparée dans l’esprit et dans l’âme.

L’expérience du pardon est la même que celle du combat spirituel et de la victoire sur Satan. Satan ne veut pas du pardon et le Satan que nous avons en nous ne veut pas que l’on pardonne, il veut que la relation s’envenime et devienne délirante. L’acte du pardon est la victoire spirituelle sur les ténèbres, c’est le moment où il y a des paroles qui guérissent totalement. Le travail de la justice est de faire reconnaitre sa culpabilité à un coupable et c’est un travail terrible.

Par ailleurs, il n’est pas non plus facile de donner son pardon car on peut être tenté de continuer dans la colère et de se venger. La demande de pardon ne répare pas le mal qui a été fait mais elle sauve l’avenir et évite d’aggraver le mal.

Donner son pardon c’est se situer sur le plan de la parole. Celui qui a demandé pardon a donné quelque chose, et c’est par rapport à cela qu’il faut se situer. Ce qui fait que l’on a du mal à donner son pardon, c’est que l’on se souvient du mal que l’autre a fait et que l’on y pense encore. Mais lorsque l’on donne son pardon, on ne se situe plus sur le plan du mal qui a été fait mais sur le plan de la parole qui a été donnée. J’ai reçu une parole de quelqu’un qui s’est mis entre parenthèses, je me mets également entre parenthèses et je donne ma parole contre sa parole. Demander et donner son pardon, s’est exorciser de manière extraordinaire la violence qui il y a dans les relations, c’est passer du plan du mal au plan de la parole.

Aujourd’hui, lorsqu’il est question du pardon, tout le monde dit : « je pardonne mais je n’oublie pas » et on pense que c’est un bon compromis. C’est une erreur que l’on appelle « le devoir de mémoire » qui débouche sur l’échec du « devoir de mémoire » lui-même, et c’est ce que l’on porte douloureusement depuis 70 ans. On est dans le devoir de mémoire, et on ne s’en sort pas.

On n’arrive pas à se situer par rapport au totalitarisme et au nazisme parce que l’on n’a pas vécu la médiation de la parole. On a voulu aborder la question du mal et du pardon sans passer par l’expérience de la parole. La seule manière de sortir du mal c’est de se situer sur le plan de la demande et du don, sur le plan de la parole en demandant et en donnant le pardon. Celui à qui on a fait du tort, donne son pardon en rentrant dans une profonde relation langagière qui permet d’exorciser la folie qui est en lui et en celui qui lui a fait du tort.

Nous n’avons pas exorcisé le délire et le mensonge qui se trouvent dans notre société parce que nous ne nous sommes pas situés sur le plan de la parole. Au-delà de la question du mal, il y a le fait de recevoir la vie et le fait de la donner et c’est en nous situant sur ce plan que nous guérissons notre âme. Recevoir la vie et la donner, c’est rentrer dans la chaine de la transmission, c’est rentrer dans le fleuve de la vie et c’est comprendre notre position d’homme. Ce qui permet de demander et de donner le pardon, c’est d’avoir le souvenir du fleuve de la vie.

Si je me situe dans le fleuve de la vie, je suis guéri, je me rends compte que la vie répare tous les torts et me donne la force de réparer. En étant vivant on peut être réparé et être celui qui qui répare. Pour pardonner il faut se plonger dans la parole et dans la vie. Celui qui doit demander pardon se rend compte que son orgueil n’est rien par rapport à la vie, de même celui qui donne son pardon s’aperçoit que sa vengeance n’est rien par rapport à la vie.

Nous nous trouvons souvent dans des situations d’orgueil et de vengeance parce que nous ne sommes plus dans la vie et dans la parole. On ne devrait pas avoir un devoir de mémoire, mais un devoir de parole et de vie. Le monde autour de nous affronte le monde sans être nourri, ce qui fait que les tortionnaires d’hier ne demandent pas pardon et aujourd’hui les gens ont envie de se venger. Il y a énormément de colère et de folie qui demeurent dans l’inconscient collectif.

La « logothérapie » est efficace. Lorsqu’on se plonge dans la parole et dans la vie, le pardon se fait tout seul. La vie est tellement belle que nous n’allons pas rester dans l’orgueil de celui qui ne demande jamais pardon et que nous n’aurons pas envie de nous venger.

Il y a donc un deuxième élément dans le pardon, c’est celui de la parole et on comprend alors la logique du christ qui dit aller au-delà de la loi pour accomplir celle-ci. Le christ vient apporter la Parole, le Verbe, et la vie, il vient dire au monde de ne pas rester sur le plan de la loi. La loi est indispensable, mais pour que la loi puisse jouer son rôle il faut rentrer dans la parole et être vivant. Le vivant qui parle en nous, c’est le Christ, c’est la vie fondamentale qui est au fond de nous-mêmes. C’est de cette vie dont il faut nous nourrir parce qu’elle est le pain et le vin.

L’Esprit

Le troisième élément qui se trouve au-delà de la loi et au-delà de la parole, C’est ce qu’on appelle « l’Esprit ». En Mathieu 12,31-32, le Christ dit : « Le péché contre l’Esprit ne sera pas pardonné », le Christ parle de respecter la parole qui vient du cœur des hommes qui ne doivent pas blasphémer contre l’Esprit.

Le blasphème c’est une parole « contre », par opposition à une parole qui vient du cœur qui est une parole « pour », ce qui est blasphématoire, c’est la parole qui ne respecte pas la Parole, le Christ dit que nous serons jugés par nos paroles (Math. 12,37) et les paroles contre l’Esprit ne seront pas pardonnées. Nous sommes là au cœur du pardon et on comprend le lien qu’il y a entre le pardon et l’impardonnable.

Il faut mettre cette parole en relation avec celle du Notre Père où il est dit « remets nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs » que l’on a traduit par « pardonnes nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Pour qu’il y ait vie, il faut aller dans le tréfond du cœur de l’homme, dans ce qu’il y a de plus fondamental. Ce qui parle est le plus fondamental, c’est la rencontre entre le désir et le langage, c’est toute l’évolution de l’humanité qui va de la vie dans l’esprit de la vie, à travers le langage de la vie, c’est tout ce qui va du ciel sur la terre et de la terre vers le ciel. La parole, c’est la vie totalement vivante qui va du désir au langage et du langage au désir.

Le drame dans lequel nous sommes, c’est que nous avons tendance à parler contre cela, et de ce fait à blasphémer, à mal parler, à offenser car nous ne sommes pas des êtres spirituels, rénovés et transformés par la vie divine. Ce qui permet d’évoluer, c’est de ne pas pardonner cela. J’ai surpris un jour mon auditoire, en disant qu’il y a des choses dans la vie qui sont impardonnables et j’ai ajouté : ce sont les fautes d’orthographe. Si vous ne lutez pas contre les fautes d’orthographe, vous empêchez les gens d’avoir du langage et en faites des handicapés pour la vie. Les gens qui vous aiment ne nous pardonnent rien, ce qui est impardonnable, c’est ce qui nous empêche de devenir des rois et d’aller dans la vie royale.

Ce qui fait que l’homme a une vie royale, c’est qu’il exprime totalement son cœur, il ne le retient pas et ne parle jamais contre son cœur. Lorsque le Christ dit que le péché contre l’Esprit ne sera pas pardonné, c’est une parole d’amour incroyable de la part du véritable Maitre. Tout ce qui est lié à l’excellence est de l’ordre de l’impardonnable. Ce qui est impardonnable c’est de ne pas aimer et de ne pas donner la totalité de son cœur.

Le Christ nous aime tellement qu’il ne nous pardonnera rien afin que nous allions dans notre royauté. On est là dans la logique du pardon qui est de ne pas rester dans la malédiction et la tristesse. En fait, ne pas pardonner à quelqu’un et lui pardonner, c’est la même chose. Ne pas pardonner à quelqu’un, c’est vouloir qu’il aille dans l’excellence et vouloir qu’il aille dans excellence, c’est lui pardonner le fait d’aller dans l’excellence et ne pas lui en vouloir pour cela. Lorsqu’on ne pardonne pas à quelqu’un, on le maudit, et lorsqu’on lui pardonne, on le béni et lorsqu’on le béni, on peut commencer à vouloir l’excellence pour lui.

La logique profonde du Christ, n’est pas de tout excuser, ce n’est pas de nous laisser dans nos erreurs. Tout d’abord, Il béni notre existence et ne veut pas que nous soyons maudits, puis il veut libérer notre cœur pour que la partie sainte et divine de celui-ci puisse s’exprimer. La divine justice, c’est de bénir les hommes pour qu’ils deviennent des rois.