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La notion de Beauté est liée à une attitude irréductible à l’égard du Mal. La question de la Beauté et la question du Mal, c’est la même chose, c’est se situer en dehors de l’objectivation. C’est se situer dans la Personne et dans la subjectivité. La Personne fait l’expérience miraculeuse de l’harmonie qui est l’expérience de la Beauté. C’est une expérience ineffable et c’est elle qui répond à la tragédie du mal.
Qu’est ce qui fait qu’on est dans le Mal ?
L’esprit du Mal c’est celui qui consiste à tout justifier, à tout objectiver. L’esprit du Mal précède le Mal et le contraire de cette objectivation du Mal, c’est la Beauté. La Personne fait cette expérience miraculeuse de la Beauté et de l’harmonie parce qu’elle n’est pas dans l’objectivation.
La caractéristique de Berdiaev, c’est d’être dans la droite ligne de ce qui est dit dans la le genèse où il est dit que le Mal c’est le Bien et le Mal, c’est le fait de vouloir juger les choses au lieu de les vivre et de communier avec elles. Il y a chez Berdiaev une très belle lecture de la Genèse et de ce en quoi réside la chute et l’exil de l’humanité.
Dieu est Beauté, Esprit et Vie
La notion d’Esprit
Qu’apportent l’évangile et le Christ à la notion d’Esprit ?
Pour comprendre ce que Berdiaev désigne à travers cette notion, voici quelques passages où il parle de l’Esprit :
« Dieu est Esprit, l’Esprit est activité et l’Esprit est liberté.»
« C’est du dedans que l’Esprit absorbe le corps et la matière, la matière n’est pas reniée mais illuminée par l’Esprit qui appartient à une réalité différente. »
« La vie spirituelle est la vie symbolique qui uni deux mondes. En elle se trouve les rencontres, les intersections. »
« En l’Esprit Saint, Dieu devient immanent au monde »
« L’Esprit est infini, Il souffle où il veut et transforme son symbolisme en fonction de dynamisme spirituel »
Dieu n’est pas extérieur au monde mais immanent. Saint Jean Chrysostome dit ; « Le fait que la transcendance soit transcendance, on peut le comprendre, le fait que l’immanence soit immanente, on peut le comprendre aussi, mais le fait que la transcendance rentre dans l’immanence, c’est totalement incompréhensible. »
L’Esprit c’est le « sans limite », l’infini, ce qui dépasse tout. Devant l’Esprit nous sommes devant l’infini. C’est ce qui caractérise pour Berdiaev « la vie en Dieu ».
L’Esprit nous emmène dans un monde radicalement différent et non conformiste, il nous emmène au delà de ce que nous avons tendance à appeler « esprit » mais qui n’est pas l’Esprit. Il existe un esprit que l’on vit de manière humaine, un esprit sans Dieu.
Dans l’évangile, il est question de l’Esprit Saint afin de bien faire la différence entre l’esprit au sens courant et l’Esprit mystiquement vécu. Il existe un esprit au sens courant et banal et il existe un Esprit au sens extraordinaire du terme.
Première expérience : L’esprit de la nature, de la culture et de l’énergie
C’est ce que l’animisme, le première religion de l’humanité, expérimente d’une façon réelle et profonde. La vision du monde des populations dites primitives est une vision spirituelle au sens animiste du terme. A savoir que l’esprit est la présence que l’on trouve dans la nature, dans les éléments et dans la réalité qui nous entoure.
Cette présence est une fréquence énergétique que nous ressentons comme une énergie qui éveille notre énergie intérieure. L’esprit est alors ce que l’on peut appeler une réalité dynamique. Nous sommes dans l’esprit lorsque nous rencontrons l’énergie de la nature. Nous faisons l’expérience quantités d’énergies et de présences, et le premier réflexe de l’homme est de se mettre en harmonie avec ces énergies pour pouvoir vivre en bonne entente avec celles-ci.
C’est ce que nous faisons tous spontanément, nous sommes tous sensibles aux présences énergétiques , bonnes ou mauvaises, bénéfiques ou maléfiques et nous essayons de convertir les maléfiques en bénéfiques.
C’est quelque chose de passionnant, ouvrir son être à la dimension de l’esprit, c’est l’ouvrir à la dimension énergétique de l’existence. L’expérience de la Personne est une expérience énergétique . Dans cette relation, nous avons affaire, sur un mode sauvage, à ce que nous pouvons appeler la communion. Il n’existe ni sujet ni objet, mais une fluidité, une réceptivité qui va de moi aux choses et des choses à moi.
Si il y a l’esprit de la nature, il y a aussi l’esprit de la cité, lié aux hommes et à leur personnalité. Chacun a une fréquence énergétique avec une présence plus ou moins grande. Il y a l’esprit de ce que l’on fait, l’esprit des lieux, des pays, l(esprit des temps, l’esprit du monde.
Les Grecs et les Romains avaient cette religion de la nature et de la cité. Cette religion nous habite encore, c’est le paganisme. Un païen, c’est quelqu’un qui pratique une communion cosmique avec l’énergie des choses et des hommes.
Il y a là quelque chose d’important, on peut dire que nous sommes dans l’esprit lorsque nous sommes dans une vie dynamique avec la réalité qui nous entoure. Cette expérience fait partie des nourritures spirituelles, nous nous nourrissons de la nature et de la culture. Le monde cherche à capter l’esprit du temps et les énergies positives pour pouvoir vivre.
Deuxième expérience : l’esprit de la loi
La loi a été faite avec une volonté et dans un cadre précis par rapport à des problèmes précis. La loi doit toujours être pensée dans son contexte historique et spatial. Il ne faut pas conférer à la loi une vertu absolue et donc, l’interpréter à la lettre. La loi est faite pour les hommes et leur permet de se structurer. La loi est au service ‘une situation humaine, elle doit toujours être interprétée d’une manière humaine pour éviter les malentendus et la violence.
Nous entrons alors dans la relation entre l’esprit et la lettre. L’esprit n’est pas seulement le sens de la puissance, c’est le sens de l’intelligence et l’intelligence, c’est ce qui fait voir la Personne.
Pour être présents au monde, les hommes établissent des règles pour s’accorder les uns avec les autres. Le but des hommes est de vivre en tant qu’hommes, de penser la nature, la culture, la cité, les lois dans l’humanité. Cela permet de faire «vivre » les règles que l’on se donne et de ne pas être enfermé dans ces règles.
Saint Paul dit : «L’Esprit vivifie mais la lettre tue ». Les problèmes naissent à l’occasion de la loi et du langage. Beaucoup de personnes ont du mal à comprendre les textes religieux parce qu’elles les prennent de manière légaliste et littérale. Elles ne font pas vivre le langage, elles prennent la règle et le langage au premier degré, comme des absolus. On tombe alors dans la violence.
Ce qui permet d’avoir une bonne interprétation des textes dans la religion est le fait de faire vivre ces textes. C’est expliquer que ce qui est dit dans les textes, c’est une parole adressée aux hommes afin qu’ils vivent. Les choses ne sont pas abstraites, elles sont humaines on les voit alors avec amour, avec fraternité et comme des choses positives données pour les hommes.
Ceci est important car la violence s’installe dans l’humanité lorsqu’il n’y a pas d’esprit, en particulier dans la parole religieuse. Lorsque celle-ci n’est pas vécue spirituellement, elle débouche sur la violence pour la religion, ou la violence contre la religion.
Dans la religion, on se sert de la loi pour justifier la violence. La violence religieuse intervient lorsque les fondamentalistes se servent des textes pour défouler leur propre violence. « Dieu a dit que… », « la Bible a dit que … », je ne réfléchi pas, je prends les textes et je les applique à la lettre.
Cela nourri le camps adverse qui veut se débarrasser de la religion en faisant références à des textes dans la Bible ou dans l’Évangile qui sont violents..
Ce qui nous permet de sortir de la violence, c’est l’esprit et l’intelligence, c’est la capacité que ‘on a d’apercevoir les personnes humaines qui sont derrières les lois et derrière les paroles. C’est l(homme qui fait la parole et la loi et non l’inverse.
Nous passons alors à un niveau supérieur de l’expérience spirituelle.
La spiritualité, cela peut être l’expérience de l’énergie, la communion avec les choses et les êtres, mais c’est aussi l’expérience de l’intelligence et de la pratique humaine des choses qui fait que je vais lire l’existence avec humanité.
C’est ce qu’on peut appeler le travail sur soi. C’est ce qui se passe lorsque je commence à vivre avec une sensibilité humaine et non abstraite. Cela donne le développement de l’esprit et des personnes d’esprit. Ces personnes sont capables de libérer les hommes de la violence en voyant les choses d’une manière humaine et en ayant une certaine ouverture d’esprit.
Nous avons besoin d’être dirigés par des personnes d’esprit capables de ré-humaniser le monde pour le sortir de la barbarie. C’est en particulier le cas de l’humour qui est la capacité à prendre de la distance et à transformer le négatif en positif. Les personnes spirituelles voient dans l’insulte qu’elles reçoivent quelque chose de drôle ce qui fait qu’il n’y a pas d’enemi. C’est ce type de transformation qu’il peut y avoir dans la phrase du Christ : « Aimez vos ennemis ».
C’est transformer l’adversité en une expérience profonde et déceler l’intelligence et l’amour qu’il peut y avoir dans les personnes et les situations. C’est une transformation tout à fait extraordinaire.
Hegel et « La phénoménologie de l’esprit »
Hegel introduit la notion d’esprit dans la philosophie et pas simplement de raison, il montre que la philosophie est affaire d’esprit. Selon Hegel, l’esprit est ce qui relie les opposés que sont l’expérience sensible et la pensée abstraite.
Dans l’homme, il y a deux sources de connaissance complètement opposées. La connaissance liée au corps et aux sensations et la connaissance du cerveau et de ses représentations. Le sensible et l’intellectuel sont opposés et incompatibles. Lorsque je sens quelque chose, j’arrête de me la représenter et lorsque je me le représente, j’arrête de la sentir.
Nous sommes toujours en conflit dans nos discussions car les représentations sont toujours remises en question par les sensations et vice versa. L’existence de ses deux sources de connaissance est notre plus grand obstacle, cela donne les empiristes et les dogmatiques, les sceptiques et les idéalistes. Cela oppose ceux qui doutent de tout à ceux qui veulent plaquer une réalité sur la réalité.
L’intelligence humaine est crucifiée, elle est dans la souffrance. On arrive pas à s’accorder car on n’est pas dans la troisième dimension de l’esprit.
Troisième expérience : L’esprit de la philosophie
Hegel montre qu’au départ il y a un conflit entre les représentations et les sensations, mais lorsqu’on vit ce conflit et qu’on rentre à l’intérieur, tout se transforme. Par exemple, un artiste a des sensations qu’il vit de l’intérieur et qu’il transforme en représentations.
Nous avons tous des sensations qui deviennent des souvenirs dans notre imagination et qui deviennent un monde intérieur, qui deviennent de la poésie. La poésie est une expérience vitale qui se transforme en image et qui fait apparaître l’esprit.
A l’inverse, nous avons des pensées que nous vivons et que nous rapportons à notre vie quotidienne. Nous vivons quelque chose que nous avons pensé intellectuellement et qui devient réel.
Hegel explique que l’esprit consiste à penser ces figures créatrices dans lesquelles les représentations et les sensations se rencontrent et donnent naissance à des contenus de plus en plus riches et créateurs. La pensée devient une expérience créatrice à partir des sensations et des représentations et cela débouche sur l’esprit de la philosophie selon Hegel.
Si dans le cadre de la pensée humaine on pouvait se situer sur se plan là, ce serait déjà bien. Cela ouvre le champ de la pensée moderne sur l’expérience de la pensée vivante et de ce qui se manifeste à ce moment là, sur l’expérience de la sensibilité et de l’esprit qui font vivre les choses.
On pourrait s’arrêter là, en rester à la découverte de ce qu’il y a de créatif et de spirituel dans notre histoire. C’est la tâche que Hegel consigne à la philosophie.
L’expérience religieuse.
Ce qui est passionnant, c’est que certaines personnes comme Berdiaev disent : « on ne peut pas en rester là » parce que dans cette expérience, on ne va pas dans l’essentiel. Nous devons dépasser l’esprit pour aller vers la spiritualité et entrer dans une expérience religieuse profonde.
L’homme ne s’intéresse pas simplement à la nature et à la cité, il s’intéresse à son salut. Il veut vivre dans les profondeurs de lui-même, il faut aller au delà de Hegel.
C’est là que des penseurs comme Rosenzweig et Berdiaev disent qu’il faut mettre en relation l’activité de l’esprit avec la Bible et avec l’Évangile. Avec la Bible et avec le Christ nous avons là quelque chose qui permet d’aller encore plus loin dans la dimension de l’esprit et de réaliser ce que l’homme souhaite au plus profond de lui-même.
Je ne pense pas simplement parce que c’est intéressant, parce que je veux devenir un citoyen du cosmos (comme disaient les stoïciens) ou bien un homme de la cité, mais parce que je veux aller dans l’essence de moi-même en répondant à la question de la vie et de la mort et de ce qui m’interpelle au plus profond de moi-même. C’est la question de l’individu fondamental et de sa réponse.
Kierkegaard pose très bien le problème en disant qu’à la base de la philosophie il y a un individu religieux. Parce que l’essence de la parole est de répondre à la quête de l’homme, à sa quête du salut et de la liberté totale.
Nous découvrons alors la dimension divine et l’Esprit de Dieu. Ce qui caractérise la Bible, c’est que l’homme n’est pas en relation avec la nature ou avec la cité, il est en relation avec Dieu. Dieu ne lui parle pas de la nature et de la cité, Il lui parle à l’intérieur de lui-même pour l’emmener au delà.
L’expérience de l’au delà
Il faut donner une importance particulière à la notion de l’au delà. L’au delà c’est ce qui nous emmène plus loin, c’est le souffle d’une vie qui n’est pas simplement humaine et naturelle. C’est l’innovation géniale que nous annoncent les prophètes. Ils expliquent que l’homme n’est pas fait pour s’enfermer dans une vie naturelle et humaine, il est fait pour aller bien plus loin.
Si on enferme la vie dans une dimension simplement cosmique, politique et sociale, on étouffe l’homme. La tentation des hommes, c’est de s’enfermer dans une expérience limitée et de se prosterner devant cette expérience en faisant de celle-ci une idole.
Il y a dans l’homme une soif qui provient du désir de la vie infinie, de la vie qui triomphe de la mort et qui va dans l’éternité.
Quand l’homme se met en marche pour aller au delà de l’homme et de la nature, il rencontre l’au delà et l’au delà lui parle. Il l’invite à une vie plus profonde que celle qu’il connaît dans la société, dans la nature et même dans la culture et dans l’histoire.
La révélation de la Bible
D’une part la Bible révèle aux hommes que la vie va bien plus loin que la nature et l’homme, d’autre part il y a une tension et un conflit à propos de cette révélation. Le prophète vient dire aux hommes qu’ils ne doivent pas s’endormir dans la nature et dans l’homme. Il est celui que l’on écoute parce qu’il étonne tout le monde, mais il est aussi celui qui dérange tout le monde et que l’on met à mort parce qu’il bouscule l’ordre de la cité.
Nous avons affaire à la révélation, quelque chose d’autre que la nature et l’homme, et qui nous dit qu’il y a une vie encore plus réelle que la nature et plus humaine que la vie politique et sociale. Cette dimension « autre » répond à notre désir et à notre soif fondamentale.
Nous entrons dans la dimension prophétique qui ouvre la vie sur la révélation. Ici commence une autre histoire humaine et une autre nature. L’homme découvre la notion de création, de révélation et de rédemption.
C’est la troisième dimension de l’existence. Il y a la nature, il y a l’homme et il y a la création avec la révélation et la rédemption, quelque chose qui va plus loin que tout.
L’incarnation
L’Évangile, c’est la venue du Christ sur terre, c’est l’incarnation qui est la révélation de la notion de création. Dieu fait homme, cela veut dire qu’il y a quelque chose de radicalement autre qui rentre dans la nature et dans l’histoire.
La caractéristique des Évangiles c’est l’incarnation, c’est la manifestation de l’Esprit Saint et de la Divine Trinité. La Divine Trinité montre que ce que les hommes appellent Dieu va encore plus loin que ce qu’ils ont l’habitude d’appeler Dieu.
Dieu va encore plus loin que tout parce qu’il va dans la sainteté. La sainteté de Dieu c’est sa capacité de, non seulement créer le monde, mais de le transfigurer et de le sauver afin d’amener toute chose et tout être plus loin qu’eux-mêmes.
On est devant quelque chose de totalement nouveau et qui fait l’originalité du christianisme.
Berdiaev qui, au départ a fait l’expérience de l’athéisme, s’intéresse à l’Évangile et au Christ parce que, comme les grands penseurs de la tradition, il comprend que l’Évangile n’est pas un récit religieux comme les autres. C’est un récit qui introduit la radicale nouveauté à l’intérieur de l’existence en révélant que nous ne sommes pas encore dans la réalité. Nous ne sommes pas encore dans l’humanité parce que nous n’avons pas encore vu le monde et la réalité avec des yeux créateurs.
La Nature, l’Homme, Dieu sont des choses extraordinaires et la caractéristique de l’extraordinaire de Dieu, c’est qu’il n’est pas au delà, il est incarné, il a revêtu la dimension humaine. C’est extraordinaire parce que pour cela il faut que Dieu aille au delà de Dieu, au delà de tout et qu’il aille non seulement dans l’homme mais également dans la mort et dans la croix.
C’est quelque chose qui nous emmène vers un avenir totalement neuf. C’est une manière de parler de l’esprit totalement créatrice qui n’est ni l’énergie, ni l’humanité, ni l »intelligence, ni l’expérience de la vie mais une rupture totale avec ce qui existe.
La sainteté.
Nous apercevons qu’il y a une nouvelle manière de parler de l’esprit en réalisant que les choses n’ont pas encore commencé. Faites l’expérience de regarder le monde, les hommes et la nature comme si vous ne les aviez jamais vus, comme si vous étiez au commencement… Vous ferez alors l’expérience de la sainteté, vous serez dans l’émerveillement et vous allez être sidérés par l’existence. Ce que vous allez voir, vivre, toucher sera infiniment beau.
La caractéristique du Saint, c’est qu’il sanctifie toutes choses, il les amène vers leur état de plénitude et de liberté, il transforme l’intime en quelque chose d’infiniment vivant.
La différence entre le sacré et le saint, c’est que le sacré c’est l’absolu vu de l’extérieur et le saint c’est l’absolu vu de l’intérieur. Le sacré est exclusif, quand je sacralise quelque chose, je le coupe de la réalité pour lui donner une valeur en tant que telle. Le sacré est important et nous en avons besoin, mais une chose lui manque, c’est l’intime.
La sainteté c’est le moment ou l’on passe du sacré à l’intime, à quelque chose qui a une valeur en soi et qui rentre en nous-mêmes. Ce n’est pas quelque chose de brutal, c’est comme une source qui commence à couler, comme un arbre qui commence à fleurir. Nous avons là quelque chose d’extraordinaire.
L’Esprit-Saint
L’Esprit véritable introduit la création. La création n’est pas là pour s’imposer comme le sacré, mais pour se déployer comme un fleuve infiniment abondant ou un arbre infiniment florissant. Dans l’Esprit-Saint on parle de Dieu d’une façon totalement nouvelle. La nouveauté c’est dire que nous n’avons pas encore vu Dieu, nous n’avons pas encore vu l’homme et la nature, et en plus, ce que nous n’avons pas encore vu est infiniment doux, infiniment aimant. C’est incroyablement humain, naturel et vivant, incroyablement proche de nous.
Cette nouveauté est extraordinaire car on est alors dans l’Amour de Dieu et nous sommes avec Lui dans un rapport d’extraordinaire communion et intimité.
Nous sommes là dans la révélation de l’Esprit-Saint et nous comprenons que Dieu est Esprit. Dans ‘entretien avec Nicodème, le Christ dit : « Dieu est Esprit et celui qui n’est pas né une deuxième fois ne pourra pas entrer au royaume des cieux ». Nicodème demande comment naître une deuxième fois. Doit-il rentrer dans le ventre de sa mère pour naître à nouveau ? Le Christ lui dit « L’Esprit souffle où il veut et nul ne sait d’où il vient et nul ne sait où il va »
Nous voyons que Nicodème qui est un docteur de la loi a bien les trois premières dimensions de l’esprit, c’est à dire la sensibilité cosmique, la sensibilité humaine et la sensibilité philosophique et historique. Pourtant il n’a rien compris à L’Esprit. Quand le Christ lui dit que Dieu est Esprit, il ne comprend pas. Pourquoi ?
Parce qu’il n’a pas grandit dans son être intérieur, parce qu’il n’a pas rencontré en lui la nouveauté radicale de l’humanité, il est encore dans l’histoire, dans la loi, dans la sensibilité cosmique.
Pour lui, renaître c’est forcément revenir dans le ventre maternel pour naître à nouveau. Il n’est psychanalytiquement pas libre. La psychanalyse dit que le plus vieux fantasme de l’humanité, c’est de revenir dans le ventre maternel pour connaître le paradis. Ce que Nicodème ne voit pas c’est que le vrai paradis est au delà du paradis humain. Il recherche encore un paradis dans l’histoire, dans l’homme et dans la nature.
L’homme n’est pas fait pour retourner dans l’histoire dans la nature et dans l’humanité, il est fait pour aller au delà et vivre quelque chose de radicalement neuf. C’est cela, dire que Dieu est Esprit, ce n’est pas le Dieu des hommes et de la nature, c’est autre chose. Son royaume est infiniment délectable, Dieu ne veut pas que le sang coule, Il veut la communion avec l’Homme et cela nous libère de tout.
Ce qui prouve que Dieu existe, c’est qu’Il parle, sa Parole nous touche et nous fait vivre. Ce qui nous permet d’exister, c’est quelque chose qui existe hors de l’existence telle que nous la connaissons, pour aller vers un surplus d’existence.
Berdiaev apporte une parole pour notre temps, il nous permet de comprendre ce qu’est le Christ aujourd’hui, ce qu’est la foi aujourd’hui. C’est comprendre que Dieu est Esprit.