Jésus en croix et Satan crucifié

Pâques et la résurrection

L’expérience de Pâques est une expérience extraordinaire à partir du moment où nous sortons de la vision infantile dans laquelle nous vivons à propos du christianisme. Autour de nous, le monde qui ne croit pas en Dieu, pense que la résurrection est la résurrection du corps au sens banal du terme.

La vision un peu plus élaborée que l’on trouve dans un christianisme assez infantile lui aussi, consiste à dire que nous allons vers la vie éternelle à condition d’être sage et, qu’éventuellement, il faut souffrir. Nous vivons la résurrection entre souffrance, obéissance morale et retour du corps. La réalité n’a rien à voir avec cette vision infantile et, somme toute, incroyable.

La résurrection est extrêmement cohérente lorsqu’on lit les textes en profondeur. La base de notre méditation, repose sur l’idée que j’ai reçue de l’Eglise orthodoxe disant que, sur la croix, ce n’est pas Jésus qui est crucifié, mais Satan. De la même manière, dans le crédo Orthodoxe, il n’est pas dit que le Christ est mort mais qu’Il a été enseveli.

Ceci est important parce que si nous avons une vision simplement humaine de la mort du Christ et de la résurrection, nous manquons l’aspect divin qu’il y a dans le Christ et dans la résurrection Le Christ n’est pas seulement un homme, il est Dieu fait homme, il est divino humain et Il est plénitude.

Pour bien comprendre la résurrection, il faut bien voir que celle-ci ne concerne pas l’homme Jésus, mais qu’elle concerne les structures mêmes de notre être. A travers la résurrection, ça n’est pas simplement un homme qui ressuscite, mais c’est toute l’humanité, toute l’histoire, tout l’univers, tout le cosmos.

Pour comprendre l’expérience de la résurrection, il faut la ramener à l’expérience de notre intelligence, tout se passe dans l’intelligence. Malgré les apparences, ceci n’est ni intellectuel, ni abstrait, ni élitiste. Toute la tradition chrétienne met l’intelligence au cœur de tout et travaille à la transfiguration de l’intelligence. L’intelligence est la part la plus profonde de nous-mêmes et de toute chose. Lorsque nous sommes dans la réalité, nous pensons que la réalité c’est la matière, et nous appelons réalité le monde matériel. La réalité passe par le monde matériel, mais elle passe aussi par nous qui regardons ce monde matériel et le transformons en monde conscient. La réalité passe ensuite par une conscience de la conscience que nous avons et elle passe par l’intelligence de cette conscience.

Ce qui fait que vous êtes des êtres réels, c’est que vous êtes une personne dans le monde matériel et que le monde dans lequel vous vivez est un monde conscient. De façon inouïe, vous êtes à la fois conscient de vous-même et du monde matériel, et ce qui est encore plus profond, c’est que vous pouvez avoir l’intelligence de votre propre conscience. Si vous allez dans le niveau de l’intelligence, vous allez dans l’ultra profondeur de la réalité. Lorsque l’intelligence est équilibrée, harmonieuse et créatrice, tout va, quand elle est obscurcie, rien ne va. Vous le sentez dans les profondeurs de votre être, lorsque vous êtes en harmonie dans votre existence il y a quelque chose qui se réjouit dans votre cœur, lorsque vous n’êtes pas dans une attitude juste, vous souffrez. Parfois, vous souffrez tellement que vous connaissez ce qu’on peut appeler la mort. La mort, c’est la mort de l’intelligence à l’intérieur de nous, qui fait que tout est obscurcît et plus rien ne vit, on est dans le néant.

Là nous faisons l’expérience de la résurrection, dans la vie il y a des moments d’obscurcissement, des moments de mort et de passage à vide terribles, et parfois il y a des moments de retour à la vie. Dans la vie il y a des gens qui vous volent la vie et il y a des gens qui vous le redonnent. Ce qui donne de la joie c’est la merveilleuse intelligence de la vie que l’on rencontre dans les choses les plus simples, dans les relations les plus harmonieuses, mais également dans les créations les plus sublimes.

L’information céleste

La science a découvert que derrière la matière il y a ce qui structure la matière et c’est une information. II y a une information scientifiquement repérable, et il y a une information céleste. Lorsque nous sommes informés d’une manière divine, nous sommes dans notre véritable corps et dans la véritable réalité. C’est ce qui apparait lorsqu’on est dans le génie de l’existence et que notre cœur jubile, ou bien lorsque nous rencontrons quelqu’un qui nous comprend et qui, en nous comprenant mieux que nous-mêmes, nous pousse en avant, nous sommes dans une joie infinie. L’amitié, l’amour, c’est la capacité de nous rendre plus fort et d’augmenter notre information céleste à l’intérieur de nous-mêmes. Le Christ nous invite à trouver notre information céleste, à la vivre et à l’épanouir totalement à l’intérieur de nous-mêmes. C’est le sens de la parole du prologue de Jean : « par principe, le Verbe est », si on remplace « le Verbe » par « l’information céleste » nous avons : « par principe l’information céleste est, elle est auprès de Dieu et elle est Dieu ».

Le Christ est venu enseigner, Il a enseigné, Il a guéri, et la dernière chose qu’Il faite avant de partir dans l’invisible et dans les nuées, c’est d’enseigner ses disciples à lire l’écriture. Lorsque le christ enseigne, il s’oppose aux pharisiens, aux scribes et aux docteurs de la loi en en leur disant : « Vous avez volé la clef de la science, vous n’entrez pas dans le royaume des cieux et vous empêchez les autres d’y rentrer ». Le but de la Parole du Christ est de revenir à la science et à la connaissance véritable.

L’Adversaire, le Malin et le Tentateur

Nous devons évoluer dans la vie et cette évolution passe par une opposition à soi-même, c’est le principe de la vitalité, de la tonicité et du réveil. Nous sommes dans une expérience créatrice de mutation et de croix. La croix, c’est la rencontre entre le vertical et l’horizontal, cette rencontre donne une sphère qui s’ouvre sur tout. La merveilleuse image de l’ouverture, c’est un arbre, ses racines sont aussi profondes dans la terre que ses branches sont hautes dans le ciel, l’arbre est une boule qui grandit dans le ciel et dans la terre. Pour que nous devenions un arbre et que nous soyons ce que nous sommes, il ne faut pas simplement être, il faut vivre une expérience d’opposition créatrice à nous-mêmes qui va nous transformer. Nous sommes faits pour aller dans la Vie qui EST avec l’individu qui EST et alors, nous pourrions faire des choses dont nous n’avons pas imagination.

Dans l’existence, il nous arrive de rencontrer l’Adversaire, le Malin ou le gardien des mystères, et le Tentateur. L’Adversaire c’est quelqu’un de plus fort que nous qui va nous faire progresser de manière extraordinaire car il ne va rien laisser passer. Les gens qui nous font du bien, ne laissent rien passer et c’est pour cela que le Christ dit que le péché contre l’Esprit ne sera pas pardonné.

Il y a également l’expérience du gardien des mystères, du dragon, du serpent. On ne rentre pas comme cela dans la haute connaissance divine et on est confronté à des gardiens qui nous posent des questions pour nous faire progresser. C’est ce qui se passe dans le jardin d’Eden, le Serpent pose des questions qui sont bonnes.

Lorsque le Christ va dans le monde, il est confronté au Tentateur qui lui permet de penser la question du Salut. Sauver le monde ce n’est pas faire des prodiges et avoir tous les royaumes. Ce n’est pas transformer les pierres en pain, sauter du haut du temple ou adorer le Tentateur pour avoir tous les royaumes, mais c’est renoncer à tout cela.

Arrière Satan

Par rapport à cela, le Satan est une perversion de l’intelligence qui est séduite par elle-même, elle joue avec elle-même et elle casse la connaissance. La caractéristique de la connaissance c’est d’être extrêmement sérieuse et de ne pas jouer avec elle-même en s’enchantant de sa propre intelligence. Lorsque l’intelligence est ainsi en exil d’elle-même, elle ne reconnait pas ses erreurs et cherche à les cacher, elle rentre alors dans un processus de damnation et devient incapable de sortir de sa faute.

Il faut libérer l’humanité des mécanismes de damnation dans lesquels elle se trouve, et c’est le sens de Pâques. Le Christ descend dans les enfers pour libérer les damnés, Il libère l’humanité de l’ignorance dans laquelle elle se trouve pour lui redonner l’intelligence et la lumière d’elle-même.

Pour les romains, c’est le symbole de la honte, ceux que l’on crucifiait étaient des voyous. La crucifixion était une mort horrible, mais surtout on ne respectait pas le mort. Notre spécificité est d’enterrer les morts, l’enterrement des morts signifie qu’un être humain vivant ou mort reste un être humain, on ne laisse pas pourrir les êtres humains comme des déchets. Le mort se respecte et c’est ce qui permet la construction de l’humanité et de l’unité des vivants. Dans la crucifixion, le mort n’est pas respecté, non seulement on le tue dans d’atroces souffrances, mais en plus on montre son corps pour être voué à la honte et il n’y a pas pire que la croix. Aller sur la croix, c’est, en quelque sorte, damner quelqu’un et lui enlever le droit de faire partie de l’humanité.

Dans la résurrection, la vie et la lumière divine peuvent aller partout et elles vont jusque dans les enfers de la damnation et de la mort. Le Christ va jusque dans les enfers de la mort, Il fait la seule chose que le Satan ne peut pas faire, il va sur la croix. Le Satan peut tout faire sauf aller sur la croix, c’est la raison pour laquelle, sur la croix c’est l’orgueil qui est crucifié et derrière lui, c’est le désespoir.

Il s’agit de faire rentrer cela dans le patrimoine informationnel et dans l’inconscient de l’humanité. Les religions des hommes sont des religions de la violence et un certain nombre des prophètes sont violents, par exemple Mahomet est un chef de guerre, il n’est pas mort sur la croix. Dans aucune religion du monde, Dieu meurt. Le Christ est venu montrer que pour construire l’humanité il n’y a pas besoin que le sang coule.

Dans le Christianisme, une nouvelle information a été donnée dans l’inconscient de l’humanité : Dieu n’est pas un chef de guerre et il ne veut pas faire couler le sang. Il faut intégrer cette information dans la mémoire de tous les temps.

Pierre a reconnu que le Christ est le Fils de Dieu, et ceci témoigne d’une intimité absolue entre eux. Pourtant lorsque le Christ annonce qu’Il va souffrir et être tué, Pierre lui dit que cela ne se fera pas et le Christ lui répond : « arrière Satan ». Lorsque le Christ a affaire au Tentateur, il ne dit pas « arrière Satan », mais Il le dit à Pierre parce que sans s’en rendre compte, Pierre dit la chose la plus terrible qui soit et rentre dans ce qu’on peut appeler « le Mal absolu ». Le Mal absolu se présente toujours sous la forme d’un bien, on ne va pas souffrir et pas mourir. Si on va au bout de ce raisonnement, on n’est pas dans le réel, on n’est pas dans la vie et à ce moment-là il n’y a plus de vie et de réalité.

En disant qu’Il va souffrir et être crucifié le Christ dit qu’Il a des choses très réelles à faire et que ses disciples doivent en être conscients. Lorsqu’on aime quelqu’un on veut qu’il soit dans le réel, il y a une manière d’aimer les êtres qui ne les prend pas au sérieux et qui n’en fait pas des êtres réels. Pierre a du génie mais il a du mal à grandir et lorsqu’il sera confronté au Christ réel, celui qui va souffrir et être humilié, Pierre ne le reconnaitra pas. Il ne le reconnaitra pas parce qu’il rêve une réalité qui n’existe pas, pour lui, le Christ est venu nous faire vivre dans un rêve. Mais Il n’est pas venu pour cela.

Le Christ a raison, Il ne veut pas que Pierre l’idéalise et l’emmène dans une réalité qui n’est pas la sienne. Celle d’un jésus tout puissant et qui ne meurt pas.

Dans l’expérience de Pierre on a affaire à la rencontre avec le Mal, c’est-à-dire la manière de tuer la réalité dans son information profonde.

La croix c’est la réalité, la difficulté, le fait de vivre dans un monde réel qui est bien plus précieux et bien plus beau que les mondes illusoires et imaginaires dans lesquels on peut vivre. La croix c’est l’absolument sérieux de l’existence. Le Christ a enseigné ; comme il a une parole réelle, il va être confronté aux pharisiens, aux docteurs de la loi et aux scribes, il va risquer sa vie, et il va même en mourir. Si on dit des choses réelles et vivantes, on risque la mort mais ce n’est pas pour cela que l’on va se taire.

Dans notre monde, les choses sérieuses ne sont pas prises au sérieux et les choses qui ne sont pas sérieuses sont prises au sérieux. Tous les jours les choses profondes sont assassinées, tous les jours on entend des discours stupides qui expliquent que l’intelligence est néfaste pour les hommes, que les hommes sont faibles et qu’il faut leur permettre la bêtise, on vit dans l’irréalité la plus complète et cela se termine par des assassinats mentaux. Trop de personnes souffrent dans les hôpitaux psychiatriques parce qu’ils ont été dévastés dans leur être et dans leur âme par des logiques meurtrières qui ont pris possession du monde au niveau mental.

Le Christ est venu enseigner des choses essentielles, il va vraiment parler du Dieu Vivant, et il va se trouver confronté à des gens qui ne veulent pas que l’on parle de Dieu et de la Parole vivante.

L’homme Jésus en croix

Avec la croix du Christ, ce n’est pas l’homme Jésus qui est en croix. Cette vision se veut humaine et proche de la condition humaine, c’est une vision fausse, infantile et dangereuse. C’est l’idée que le Christ est venu souffrir avec nous et pour nous, et qu’il est un homme comme nous en partageant nos souffrances. Cela semble très humain, mais cette vision est catastrophique car elle entretien trois choses dans la condition humaine : le pathos, l’athéisme et le pouvoir.

Le pathos : Dans le christianisme il y a le Christ et il y a l’imaginaire chrétien qui a remplacé le Christ. L’imaginaire chrétien est fondé sur la douleur du Christ qui souffre pour nous, par exemple la procession des pénitents à Séville fait de la souffrance du Christ un véritable phénomène culturel. Le Christ n’existe pas dans ce genre de manifestation, ce qui existe c’est l’appropriation humaine et égotique du Christ où on se fait plaisir à l’occasion de la souffrance du Christ. De même aux philippines il y a des crucifixions réelles de volontaires qui parfois en meurent, et la foule est en transe. Enfin, certaines représentations de la crucifixion, comme le retable d’Issenheim où le Christ est des plus effrayant, veulent, en quelque sorte nous conforter dans le fait que le Christ a souffert comme nous et pour nous.

Je dirai que ce n’est pas très « gentil » de dire que ce qui est bien c’est que le Christ ait souffert pour nous. Les gens qui souffrent et qui sont malheureux sont consolés par le fait qu’il y a plus malheureux qu’eux et qu’ils ne sont pas les seuls à souffrir. Ce qui les contrarie, c’est que des gens aillent mieux qu’eux et soient heureux.

Un imaginaire malsain et plein de ressentiment, pourrait penser qu’il est bien que le Christ ait souffert et n’admettrait pas un Christ qui aille trop bien. L’homme Jésus en croix, c’est le pathos, c’est l’ego, c’est un Christ à la hauteur de nos fantasmes.

L’athéisme : L’homme Jésus en croix, c’est le fondement de l’athéisme. Au seizième siècle les représentations du Christ en croix dégoulinant de sang font dire que Dieu n’existe pas et que le Christ a échoué dans sa mission.

Le pouvoir : La souffrance du Christ a formidablement servi toute la machinerie du pouvoir dans l’imaginaire occidental. Les peuples ont été entretenus dans l’idée que, pour avoir une récompense, il fallait obéir et souffrir. On fait rêver les foules sans qu’il y ait de véritable connaissance.

Satan crucifié

Il existe une autre vision des choses qui consiste à dire que sur la croix ce n’est pas Jésus qui est crucifié mais Satan.

Curieusement, c’est Nietzche qui a commencé à comprendre cela. Ce qui caractérise la pensée de Nietzche c’est, premièrement une affirmation de la vie et deuxièmement un antichristianisme quasiment pathologique. Nietzche a pensé que le véritable philosophe était quelqu’un qui osait affirmer la vie et que les systèmes philosophiques dans lesquelles nous étions, nous faisaient honte à propos de la vie. Pour lui le philosophe véritable était présocratique et inspiré d’une manière divine, c’est à dire un homme poétique, un artiste qui est capable de vivre l’existence poétiquement en ayant des pensées qui soient des paroles et des paroles qui soient des éclairs. Nietzche a voulu rendre à la pensée son potentiel d’intensité.

Michel Onfray dit que l’homme Nietzschéen est un homme solaire. Pour Nietzsche, le christianisme est la religion des faibles qui ont peur de la vie et qui se consolent les uns les autres avec la faiblesse et la pitié, ils n’osent pas vivre et empêchent les autres d’aller dans la vie. Pour lui, le chrétien dit qu’il faut avoir pitié des faibles et c’est l’amour des faibles qui est important. C’est un discours qui marche car pour beaucoup, l’affirmation de la vie n’est pas quelque chose à la portée de tout le monde. Nietzsche dit qu’il faut être dans une affirmation de la vie.

Reconnaissons tout de même, qu’être dans l’affirmation de la vie peut être quelque chose de très dur et que par ailleurs, avoir de la compassion est aussi une bonne chose.

Ce qui est intéressant chez Nietzsche, c’est qu’à propose du Christ, à un moment donné, il est sidéré parce que le Christ a osé aller sur la croix. Nietzsche pense qu’il faut vivre dangereusement, et il aime les hommes qui n’ont pas peur de périr, ceux qui sont capables d’aller jusqu’au bout, qui vivent de tout leur être en prenant le risque de la mort. C’est ce qui se passe avec le Christ et c’est stupéfiant.

Il y a quelque chose qui est crucifié à travers l’engagement du Christ, c’est la médiocrité et la lâcheté.

L’orgueil, le désespoir et le tragique vont ensemble. Ce qui fait que l’on est dans la réalité, c’est qu’on l’accepte telle qu’elle est. Celui qui n’accepte pas la réalité, c’est celui qui est dans le couple infernal de l’orgueil et du désespoir. C’est le couple névrotique que l’on trouve dans l’ego, qui est à la fois dur et déprimé. Lorsqu’on est dans l’ego, les choses ne sont jamais assez belles pour nous, donc on est à la fois orgueilleux et désespéré, on n’est jamais content et on ne prend jamais la réalité telle qu’elle est.

Pour être heureux, il faut accepter la réalité telle qu’elle est, et ce n’est pas facile car la réalité peut être très dure. Un autre élément extraordinaire dans la réalité du Christ et de la croix, c’est d’aller justement là où ça guérit.

Donc premièrement, dans un monde où personne « n’y va », Le Christ y va, deuxièmement, dans un monde où personne n’accepte la réalité telle qu’elle est, Lui l’accepte.

Cela débouche sur ce qu’on appelle la fin du tragique. La croix est un scandale et on a tendance à l’interpréter sous la forme du tragique. Ponce Pilate a parfaitement compris que le Christ est innocent, il ne veut pas le crucifier, c’est une attitude juste. Le scandale c’est de faire mourir un innocent. On tue quelqu’un qui enseigne et qui parle comme jamais on n’a parlé à l’humanité. C’est scandaleux ! et la croix est un scandale.

On est dans le tragique lorsqu’on pense que la violence est normale, lorsqu’on dit que la mort du Christ est regrettable, mais que c’est comme ça et que ça a toujours été comme ça. Là, on est dans des pensées tragiques et la pensée tragique est une pensée scandaleuse car elle s’habitude à la violence. Le scandale dénonce la pensée tragique.

Le soleil de justice

Sur la croix, ce n’est pas jésus qui est crucifié parce que, sur la croix, ce qui vit, c’est ce qu’on appelle dans la liturgie orthodoxe, « le soleil de justice », c’est ainsi qu’on appelle le Christ qui sait que sa Parole le condamne à mort mais qui l’accepte parce que faire vivre la Parole et la Vérité, c’est plus important que tout. C’est le soleil de justice qu’il a à intérieur de lui-même qui porte le Christ sur la croix. Ce qui fait l’humilité du Christ c’est qu’il obéit à ce soleil de justice. Le mystère de la croix, c’est que sur la croix, il y a le soleil de l’intelligence, de la guérison, de l’Amour, de la générosité, de la vie et de la beauté, qui s’exprime et qui passe à travers tout contre vents et marées.

Ce soleil passe à travers tout parce que le Christ est d’une totale humilité, ce n’est pas pour lui qu’il vit, c’est pour la Vérité, la Parole et la Vie. Il est la Vie et Il est la Vérité, même au fond des enfers. La Vérité peut être partout, même au fond des enfers et sur le lieu de l’opprobre et de la honte.

L’expérience de la croix, c’est ce qui sauve l’humanité. Ce qui sauve l’humanité, c’est de croire dans la force de l’Esprit, de la pensée et de la Liberté, de croire dans l’existence de la Vérité. Ce qui fait que l’humanité existe, c‘est qu’il y a des êtres pour vivre de l’Esprit, de la Vérité et de la Pensée et pour revenir à notre information céleste.

La Vie se trouve dans la Vérité, dans la Pensée, dans l’intelligence profonde et ce que nous appelons le corps, est une conséquence de l’intelligence, alors que nous pensons que c’est la pensée qui est un sous-produit du corps matériel. C’est parce qu’il y a l’information fondamentale que nous avons un corps et lorsqu’on soigne l’intelligence fondamentale, on guérit le corps et on peut même le ressusciter.

Question 1

Qu’est-ce que le péché contre l’Esprit ?

Le Christ dit « Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné »

L’esprit c’est l’intelligence qui s’exprime sous trois formes :

  • 1) C’est L’intelligence sensible à l’intérieur de notre corps qui est présente à la réalité en sachant s’y adapter.
  • 2) C’est le côté magnifique de l’humanisme, on a une vision large et ouverte, on aime la culture, on aime la civilisation, l’éducation, on aime ouvrir les portes de l’humanité
  • 3)L’Esprit c’est l’avenir. Ce qu’il y a de plus intelligent au monde, c’est d’avoir le sens de l’avenir et de donner de l’avenir. Et là, par amour de l’humanité, il y a une chose qui est interdite, c’est de tuer l’avenir.

Celui qui tue l’avenir ne sera pas pardonné. C’est fondamental car c’est le sens même de la création, c’est l’anti-désespoir total et c’est ce qui permet de tout construire. Il y a une idée juive magnifique qui est de dire que l’homme est créé par l’avenir. L’homme n’a pas été créé dans le passé, Il a été créé par l’avenir, comme ayant de l’avenir et pour avoir de l’avenir. Nous venons de l’avenir et non pas du passé.

L’avenir est tellement important qu’on n’a pas le droit de le gâcher

Le Père, c’est la source, le Fils c’est la transformation, on peut pécher contre la source et la transformation, mais il y a une chose à laquelle on ne touche pas, c’est l’avenir.

Le paradoxe, c’est qu’on ne pardonne pas cela à quelqu’un parce qu’on l’aime. Comprendre le pardon, c’est comprendre l’impardonnable.

Question 2

Selon le crédo, c’est le Christ qui souffre, qui est crucifié, enseveli et le vendredi saint on s’agenouille devant la croix sur laquelle on voit le Christ. Même si on peut ne pas aimer la façon de le représenter, on est quand même devant la souffrance et la mort du Christ. Quelle est donc la nature de cette souffrance ?

Le Christ a bien souffert, mais pas comme nous l’entendons.

La souffrance est liée à trois expériences

  • Celle qui consiste à subir
  • Celle qui consiste à attendre
  • Celle qui consiste à supporter

Lorsqu’on dit que le Christ a souffert, Il a une humilité devant le monde et les hommes, en effet, il aimerait sauver le monde tout de suite mais il ne le fait pas car le temps n’est pas venu, Il est obéissant et il attend, par ailleurs il supporte et donne de la force.

Il ne faut pas confondre la souffrance comme douleur avec la souffrance comme patience. Le Christ souffre parce qu’il porte tout le monde. Porter demande beaucoup d’humilité et beaucoup de patience, sa souffrance est de ne pas pouvoir sauver le monde tout de suite.

Dans le monde chrétien beaucoup voient la souffrance du Christ au premier degré et sont dans l’idée qu’il faut souffrir pour aller dans la résurrection, mais il y a également des choses très belles.

Il y a une très belle formule qui dit que le Christ n’est pas ressuscité parce qu’Il est mort, mais qu’il est allé porter la vie jusque dans la mort. Le philosophe Alain a traduit cela d’une autre manière en écrivant : « Ils n’étaient pas heureux parce qu’ils mourraient pour la France, mais parce qu’ils étaient heureux, ils avaient la force de mourir pour la France ».

Ne faisons pas de la douleur et de la mort le passage pour aller vers la résurrection. La résurrection passe par Dieu et la vie divine. On peut penser que le critère de la vérité c’est la douleur parce que le Christ a souffert et qu’il est allé sur la croix, mais la douleur n’est le critère de rien.  Si la douleur était un critère, le Christ n’aurait pas guéri les gens, Il les aurait laissé souffrir.

Il y a une ambiguïté dans la tradition chrétienne : d’un côté le discours chrétien revient à dire qu’il faut souffrir, mais d’un autre côté les chrétiens ont été les premiers à créer des hôpitaux pour éviter la souffrance. Il y a une dichotomie dans le discours chrétien entre une pratique sociale et hospitalière magnifique et, par ailleurs, un discours doloriste.

Le Christ a la capacité d’embrasser l’humanité et de tenir le soleil de justice jusque dans les profondeurs de l’opprobre.

Question 3

Comment expliquer à un enfant ce qu’est la haute connaissance ?

Je parlerais à un enfant des grandes émotions qu’il a dans son cœur et je lui dirais que la réalité va très loin, que c’est très beau et très profond. La haute connaissance c’est ce qui se passe lorsqu’on parle de choses magnifiques. Tout parent qui dit à son enfant « attention, c’est magnifique ! » lui ouvre les portes de la perception.

L’enfant découvrira et formalisera plus tard que l’essence de la réalité se trouve dans le dialogue de conscience à conscience entre la conscience humaine et la conscience divine. Mais commençons par lui apprendre que la réalité est belle, et il associera la notion de beauté à ce qu’il voit et à ce qu’il touche. S’il a l’habitude de comprendre que la réalité peut être belle et que la beauté peut être réelle, qu’il est important de le savourer et de dire merci, c’est merveilleux. Les enfants apprennent les choses profondes de la vie lorsqu’ils apprennent à dire merci.

Si l’enfant à les semences de la beauté et de la gratitude, il pourra construire toute la connaissance à partir de là. Ceux qui ont perdu le sens de la haute connaissance sont ceux qui ont perdu le sens de la gratitude et de la beauté.

Question 4

Dans le Notre Père lorsqu’on dit « Délivre nous du Mal » de quoi s’agit-il ?

Petite précision, Il est dit :  délivre-nous du Malin.

Le Malin dont parle le Christ, c’est véritablement la perversion de la pensée. Il y a du mal, mais on justifie le mal d’une manière maligne qui fait qu’on ne se rend plus compte du mal que l’on fait. Le pire des maux, c’est le mal qui ne s’aperçoit pas du mal qu’il fait, et la grâce de la vie, c’est de pouvoir en prendre conscience.

Avec cette phrase le Christ demande que nous puissions nous rendre compte de nos erreurs, et que la grâce nous soit donnée de ne pas tomber dans la malignité qui fait que nous ne nous rendons plus compte du mal que nous faisons.

Question 5

Peut-on dire que le Christ a souffert humainement et que cela a permis de faire que la souffrance n’est plus un obstacle dans la voix spirituelle puisqu’elle a été habitée par le Christ ?

C’est une très belle idée, à condition de vraiment la vivre de l’intérieur. Il est dit que, par le fait que le Christ soit devenu homme, tout a été transfiguré.

Dans une expérience de douleur et de souffrance, il se passe des choses très profondes. Les médecins disent que l’on est malade parce qu’on est vivant et non pas parce que c’est mal ou parce qu’on est maudit. On est malade parce que notre organisme est en train de lutter.

Le Christ dit exactement la même chose : « Ne désespérez pas à cause des épreuves et des choses douloureuses de la vie, vous souffrez parce que vous êtes vivant et que vous êtes en train de vous battre ».

Cela évite le désespoir, « Je souffre et je me sens maudit, qu’est-ce que j’ai fait au ciel pour mériter cela ? », et la damnation, « On va se suicider et le problème sera résolu ».

Le mystère de la croix, ce n’est pas qu’il y ait de la douleur dans la vie, c’est que la Vie est dans la douleur, la Vie est partout présente.

Aux yeux du Christ l’homme est toujours vivant, y compris dans le fond du désespoir et de la mort, c’est le plus incroyable message de Vie qui soit.

Du point de vue de la connaissance, cela change tout et cela permet, au point de vue thérapeutique d’éviter les processus brutaux et guerriers. Les médecines orientales ne sont jamais vues sur le mode de la guerre parce que l’élément vivant est toujours là, et il faut simplement le rééquilibrer dans son harmonie.

Question 6

La culpabilité ne va-t-elle pas dans le sens d’un processus de prise de conscience positif ?

Sans culpabilité, ne sommes-nous pas dans le registre satanique des pervers qui ne se remettent pas en question et qui n’ont pas cette capacité d’introspection ?

Il faut distinguer la culpabilité pathologique et délirante de la culpabilité créatrice. La culpabilité créatrice dont vous parlez, est celle de quelqu’un qui a commis une faute, qui reconnait sa faute et rentre dans un processus extraordinaire de retournement intérieur. Ceci consiste à reconnaitre sa faute vis-à-vis des autres et à laisser les autres juger.

Le processus de la culpabilité créatrice est le suivant : J’ai commis une faute, j’arrête de mentir et de dire que ce n’est pas moi, je reconnais ma faute, je demande pardon et j’assume les conséquences de ma faute.

Lorsque j’ai parlé de la culpabilité pathologique, c’était le cas de quelqu’un qui a commis une faute et qui cache cette faute. Il rentre dans un processus qui va l’amener à une autodestruction et il va préférer se damner que de reconnaitre sa faute.

La conscience morale est l’essence de la culpabilité créatrice.