1 – Par principe, le Verbe – Saint-Jean

1/ Retour sur la théologie morale

Pourquoi avons-nous tant de mal à penser la morale ?

Parce que nos esprits sont dépourvus de pensées, nous vivons de façon superficielle et nous nous arrêtons aux apparences, les relations sont souvent banales et médiocres. La vie doit être un festin cosmique personnel et transcendant.

« Oui, mais sans oublier les autres ! » me disait un ami. Mais quand le festin est cosmique, les autres sont là. L’idée des autres est une banalité qui nous empêche de penser et nous amène à l’extérieur de nous même.

Le christianisme est devenu une religion extérieure et sociale. Au 17ème siècle, on est passé d’une société religieuse et mystique à une société bourgeoise. « Dieu », c’est trop difficile, donc abandonnons Dieu et contentons nous de faire des choses pratiques et utiles pour l’homme. Penser aux autres est un réflexe bourgeois, on ramène les choses à une réalité humaine et on oublie la dimension transcendantale et mystique. Ors, lorsqu’on vit dans cette dimension, les autres sont là.

Si vous êtes avec les autres et que vous n’avez pas d’expérience spirituelle profonde, vous ne leurs apportez rien. On ne comprend pas la morale parce qu’on ne la vit pas de l’intérieur, on pense que la morale est une règle sociale.

Qu’est ce que la morale ?

Le but de la morale n’est pas social. La morale consiste à vivre spirituellement et la vie spirituelle consiste à être présent à ce que l’on fait, à ce que l’on est et à ce qui existe. Lorsque l’on n’est pas présent, on commet des fautes, lorsqu’on est présent, on est dans la vie juste. La morale s’enracine dans le principe créateur de l’existence, cela n’empêche pas que la morale aie une incidence sociale, mais ce qui est premier, c’est le fait spirituel.

On comprend alors ce que veut dire « avoir la foi dans l’Esprit ». La pensée sociale ne croit plus dans l’Esprit, elle ne croit qu’en ce qui est utile pour l’égo. On pense que la morale c’est que chacun puisse faire ce qui est bon pour lui. Mais cela n’est pas de la morale, c’est mesquin, c’est pratique et c’est superficiel.

La vie morale, c’est faire l’expérience de la présence, de l’harmonie et de l’UN

Qu’est ce que l’UN ?

L’UN et l’homme, c’est le principe de l’existence, c’est ce qui permet de parler rationnellement de Dieu. Penser Dieu au sens rationnel, c’est penser à un principe créateur qui est à l’origine de l’existence. Un principe harmonieux d’amour, à la foi conservateur et dynamique. L’UN est la puissance créatrice qui fait que ce qui est n’est pas seulement dans le visible, mais au-delà et partout dans l’espace temps.

Vivre c’est s’enraciner dans cette puissance d’Amour qui se conserve et se diffuse au-delà d’elle même. Cette expérience de vie morale, chacun de nous peut la faire. Nous pouvons sentir si nous sommes dans cette harmonie qui nous guide. Lorsque nous ne sommes pas en harmonie ; nous souffrons et lorsque nous y sommes nous nous réjouissons et nous allons vers une plus grande harmonie. Tout vient de cette puissance créatrice et aimante. C’est ce qui fait que nous sommes avec les autres et avec le monde. Nous sommes avec quelque chose qui va plus loin que le monde et que nos semblables.

La question morale fondamentale est de savoir si on aime ou si on n’aime pas. Où est l’amour dans notre vie ? La morale est un état de conscience qui nous amène à être présent à l’existence et à découvrir en nous une présence d’harmonie structurante et dynamique qui nous emmène vers la création. Cette morale, tout le monde est appelé à la vivre.

2/ Le verbe dans le prologue de Saint-Jean

Le prologue se Saint Jean est l’inspiration de toute la vie et de toute la morale chrétienne :

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas retenue ».

Tout est dit mais la traduction est très mauvaise et ne permet pas de comprendre l’essence de tout cela. Ce n’est pas « au commencement était le Verbe » mais : « par principe, il y a le Verbe ». Il y a une différence entre le commencement et le principe ou la source. Le commencement se situe dans le temps, par exemple, le cours commence à 8h30, la source, c’est ce qui, au-delà du temps, me nourrit. En fait, ce qui fait un cours, ce n’est pas de savoir à quelle heure il commence mais ce qu’il m’apporte et si il me nourrit.

Malheureusement on pense souvent que la vie existe parce qu’il y a un commencement, mais on oublie la source. La véritable traduction est donc de dire que par principe il y a la source. La source qui nous nourrit de l’intérieur est en fait, la source qui n’a jamais commencé, la source est là de toute éternité. C’est le principe harmonieux créateur personnel de l’existence qui est plus que vivant. Un principe, c’est une règle vivante, ce n’est pas seulement ce qui vient avant toutes choses, c’est aussi ce qui règle toutes choses.

Le principe est que pour Dieu, déborder de vie passe toujours en premier. Dieu donne la vie au-delà le Lui et pas simplement en Lui. On parle sans arrêt de l’ouverture à l’autre, du partage avec les autres. Certains prêtres disent que le christianisme c’est le fait de s’ouvrir aux autres et de partager avec les autres. Auraient-ils peur de parler du Feu, peur de parler de Dieu ?

Dans une société bourgeoise où personne ne veut déranger personne, on ne va pas parler du Feu divin débordant, on va parler de l’humain, de l’ouverture à l’autre et de la tolérance. On enferme le Verbe parce qu’on n’ose pas dire les choses, dire que la réalité, ce n’est pas les autres, ce n’est pas la société, la réalité c’est un Feu débordant d’Amour et de Vie qui va de l’intime à l’inimaginable.

Cela permet de comprendre le Verbe qui agit pour transformer la réalité en langage et le langage en réalité. C’est ce qui fait circuler toute chose du visible à l’invisible et de l’invisible au visible, du créé à l’incréé et de l’incréé au créé, de Dieu à l’univers et de l’univers à Dieu. En permanence, la vie divine descend dans le monde visible pour que le monde visible revienne dans le monde invisible. On vit un ascenseur divin qui n’arrête pas de descendre et de remonter et qui est agissant.

Je trouve merveilleux de penser que chaque atome de notre corps est relié à l’énergie divine. « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas retenue » : La lumière divine va au-delà du couple lumière / ténèbres.

Saint Jean commence son évangile par ce prologue pour nous donner une clef de lecture de l’évangile. Cette clef, c’est que tout ce qui est dit est inouï, et le plus inouï, c’est la mort et la résurrection de Dieu incarné. Si on ne lit pas les choses à la lumière du Verbe, l’évangile est incompréhensible.

Pour beaucoup, cela paraît une histoire à dormir debout, un conte de fée ou une histoire de père noël. Mais si on lit les choses à la lumière du verbe, elles deviennent cohérentes.