Pour vous parler de Pentecôte je vais revenir sur les éléments qui ont déjà été évoqués, puis je parlerai de l’Esprit, du Verbe, de Babel, de la relation qu’il y a entre le Christ et l’Esprit, de Pentecôte, et ensuite, de ce que l’on peut appeler l’intelligence transfigurée.
La vie humaine est reliée à la vie divine qui s’exprime par la présence divine, la présence divine est la manifestation de l’Etre, l’Etre est la caractéristique de Dieu. Dieu EST fondamentalement, il EST absolument, il est un océan de réalité qui a été qui est et qui sera. La plus belle expérience de Dieu, c’est lorsqu’on se sent petit devant l’immense, lorsqu’on regarde la nuit étoilée et qu’on se rend compte que l’on est devant une réalité infinie et absolue qui a toujours été, qui est et qui sera.
C’est très difficile pour notre mental d’homme occidental parce que nous sommes dans l’ego, que la réalité c’est notre réalité et que lorsqu’il n’est pas question de notre réalité, nous avons le vertige et nous refusons cette dimension divine.
Il y a différents moments dans l’existence où nous nous ouvrons à cette dimension divine lors de prises de conscience que nous faisons soit dramatiquement, soit merveilleusement. On voit la beauté et dans ces moments, l’existence de Dieu nous apparait comme une évidence.
Le Christ est la manifestation de Dieu vivant, Dieu n’est pas simplement de l’ordre de l’Etre il est aussi de l’ordre de la Vie et Il vit, cela veut dire que le ciel et la terre sont reliés et cette relation s’appelle la plénitude. Le Christ est venu manifester le Dieu vivant qui rassemble tout dans la plénitude, plénitude allant de la terre vers le ciel et du ciel sur la terre.
Nous avons parlé de l’Ascension et du fait que le Christ part dans les nuées, aujourd’hui nous allons parler de la descente du ciel sur la terre à travers la descente de l’Esprit Saint. Vivre le Christ, ce n’est pas simplement rencontrer le Christ en tant que personnage historique ou personne morale, mais c’est aussi la personne mystique qui embrasse tout et qui est très bien représentée par le Christ pantocrator.
En occident, on voit souvent le Christ sur la croix, dans la souffrance, proche de ceux qui souffrent. Dans la vision orthodoxe il y a une dimension royale du Christ qui embrasse tout et qui, souvent, porte le livre de la Parole.
L’esprit et l’Esprit Saint
L’esprit
Nous sommes corps, âme et esprit.
Notre corps, c’est notre inscription charnelle et matérielle qui s’inscrit dans l’espace et le temps et qui fait de nous des êtres réels, notre corps est en relation avec l’histoire cosmique qu’il récapitule.
Notre âme est notre expression personnelle, individuelle et sensible, nous avons une capacité personnelle de penser et de vivre les choses, l’âme est la sensibilité infinie de l’homme. La caractéristique de l’âme est de réfléchir le corps, l’âme vit le corps, elle rentre dans la sensibilité et elle développe une sensibilité sur un mode intellectuel, personnel et conscient. L’âme donne un monde plein de sensibilité, de charme et d’humanité. C’est par l’âme que nous découvrons le plan divin de l’existence dans la mesure où, grâce à notre sensibilité infinie, nous allons nous élever vers le plan transcendant.
L’esprit est l’intelligence créatrice qui est en nous et partout. C’est l’âme de l’âme, ce n’est pas la sensibilité infinie, mais c’est la présence infinie qui donne une intelligence des situations. On parle de la présence d’esprit, c’est la capacité que nous avons de pouvoir réagir à une réalité d’une manière parfaitement adaptée et parfaitement intelligente. L’esprit est relié à l’intelligence et permet de rentrer dans la profondeur et dans la grandeur des choses. Les grands esprits sont des personnes qui ont des vues larges sur l’homme, sur la culture et elles ont une présence créatrice.
L’existence véritable, c’est d’exister réellement avec notre corps, d’exister personnellement avec notre âme et d’exister génialement avec notre esprit. L’esprit guide le monde, il est la source du sens, notre vie a un sens parce qu’elle est pleine d’esprit et elle vit quelque que chose de créateur. Lorsqu’on vit des choses justes, on a une vie créatrice et c’est cela qui est grand. Bien évidemment, il y a des génies qui sont capables de profondeur extraordinaire dans leur domaine et qui vont faire vivre la musique et la peinture par exemple, mais la vie n’est pas réservée aux génies, la vie est grande, profonde et belle lorsqu’on est à sa place et que l’on fait des choses qui nous correspondent. Tout le monde n’est pas fait pour faire de la musique, des mathématiques où pour être un sportif de haut niveau, nous sommes faits pour faire ce que nous sentons être juste et il y a des choses magnifiques qui sont faites à travers des vies très simples et très nobles.
L’Esprit Saint
La vie humaine n’est pas simplement une vie cosmique et matérielle, c’est également une vie divine et transcendante, elle est appelée à aller très loin. Ne pensons pas que les choses vont s’arrêter avec la mort ou que nous allons aller au paradis et dormir dans une espèce d’ile des Caraïbes pour l’éternité. Nous sommes appelés à des devenirs divins dont nous n’avons pas imagination, et l’Esprit Saint permet de révéler ce côté extraordinaire de l’existence.
La manifestation de l’Esprit-Saint c’est parfois ce qui se passe lorsque nous avons l’impression que les choses viennent d’ailleurs et vont au-delà, ce qui est le cas lorsqu’on se trouve en présence d’un être spirituel. Un être spirituel est un être qui vous fait totalement exister et avec qui vous avez l’impression d’être la personne la plus importante du monde. L’Esprit Saint est la quintessence de la vie à l’intérieur de nous-mêmes.
Dans les Evangiles, le Christ dit que le blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné, Il y a des choses que l’on ne peut pas pardonner. Ce qui fait que nous pouvons exister, c’est qu’il y a des choses qu’on ne nous a pas pardonné. En ce qui concerne les hommes, il est impardonnable d’insulter l’avenir des hommes. Les hommes sont promis à un avenir extraordinairement créateur et il est vital de le rappeler.
La réalité est notre relation avec une source d’être divine qui s’exprime à travers la réalité cosmique ou humaine ; En nous l’Esprit se manifeste à travers notre corps, notre âme et notre esprit. Les expériences dites spirituelles sont des expérience géniales, inspirées et visionnaires où les portes de la perception s’ouvrent.
Pentecôte est la fête de l’Esprit et c’est la véritable conclusion de toute la vie du Christ. Le Christ dit à ses disciples : « Je dois partir, sinon l’Esprit ne pourra pas faire son œuvre ». Cela veut dire que l’essence de la vie doit pouvoir s’exprimer et il est important de partir dans l’invisible pour qu’elle puisse le faire. Si le Christ n’était pas mort, tout serait paralysé, le monde ne pourrait plus vivre. Ce qui fait que le monde, le christianisme et l’Eglise vivent, c’est que le Christ a quitté le monde et qu’Il est passé d’une présence visible à une présence invisible.
La mort
Il y a la mort véritable qui est de couper notre lien avec Dieu, le fait d’être dans une vie dépourvue de sens et de réalité profonde et il y a la mort que nous connaitrons tous, qui est l’entrée dans l’invisible. Il ne faut pas avoir peur de rentrer dans l’invisible parce que c’est absolument nécessaire pour notre évolution. Lorsque nous perdons des êtres que nous aimons, il y a un arrachement affectif qui est, au combien, humain, mais il y a également une entrée dans l’invisible qui fait la profondeur et la douceur de la mort.
Le Christ est venu pour que l’Homme retrouve la religion fondamentale et le Dieu fondamental. La religion est vivante, Dieu est un Dieu vivant, le Christ est venu enseigner pour rétablir les véritables fondements. Dieu n’est pas un législateur qui se préoccupe de donner des lois mais c’est une source de vie infinie et il faut le rappeler au risque de mourir. C’est ce que fait le Christ, il va aller à la mort en enseignant le Dieu vivant et il rentre ensuite dans l’invisible. Le Christ est mort sur la croix pour avoir parlé du Dieu vivant, dans le registre de la philosophie, Socrate est mort pour avoir osé parler de la vie véritable et dénoncer les phantasmagories de mort qui nous étouffent.
La véritable vie du Christ ne s’arrête pas à la résurrection, elle passe par l’Ascension et par la pentecôte parce qu’il s’agit de nous situer dans l’existence et dans la relation ciel / terre et terre / ciel.
Le Verbe
La Pentecôte est la fête de l’Esprit, la fête du feu et la fête du langage. Le langage, le feu et l’Esprit sont les trois expressions de la relation entre le ciel et la terre. Pour comprendre cela, il convient de revenir à la notion de langage et à la notion de Verbe parce que lorsque l’Esprit descend sur les disciples, un miracle a lieu : tout le monde comprend les disciples dans sa langue. La descente de l’Esprit se manifeste par le fait que chacun entend les disciples parler dans sa langue.
Il y a une libération totale du langage, pour comprendre cette libération, il faut revenir à la signification du langage et à ce que veut dire parler une langue et parler une langue commune, et nous verrons que c’est le Verbe qui nous permet de parler véritablement.
Le langage
La langue, comme le dit Ferdinand Saussure, le fondateur de la linguistique moderne, est un système de signes qui nous permet de communiquer. Grâce au langage nous pouvons représenter et exprimer des choses et des situations. Le langage ne peut cependant pas se réduire à un système de signes parce que pour communiquer, il faut autre chose que l’instrumentalisation des mots. Si nous n’avions que des rapports utilitaires, nous serions dans un monde complètement fou, ce qui fait que nous ne devenons pas fous, c’est que nous avons des rapports affectifs et émotionnels, nous vivons les choses pour elles-mêmes et pas seulement pour leur utilisation.
Le deuxième aspect du langage nous emmène dans le champ infralinguistique qui est le champ des relations affectives et émotionnelles que nous pouvons avoir les uns avec les autres. Ces relations affectives sont structurées par le langage comme parole, que l’on retrouve dans l’expression « cela me parle » ou « cela me dit quelque chose ». J’ai une relation affective avec les êtres et les choses qui m’entourent et ces choses ou ces êtres me transmettent des émotions plaisantes auxquelles j’ai envie de répondre par l’expression d’émotions plaisantes.
Le monde du langage est fait de signes linguistiques mais également d’expressions et d’impressions. Nous recevons des impressions et nous communiquons des expressions. Le monde autour de nous est structuré par la communication affective qui n’est pas une communication instrumentalisée. Nous découvrons que la parole est vitale, si le monde ne nous parle pas, nous mourrons. Il y a un lien vital entre le langage et la vie, la vie c’est du langage et le langage, c’est la vie.
L’expérience du Verbe
Il est cependant nécessaire de voir la troisième dimension du langage qui est le Verbe. Le prologue de Saint-Jean commence par cette phrase extraordinaire si mal traduite par « Au commencement était la Parole » qui se traduit en fait par : « par principe, le Verbe est ». Lorsqu’on dit « Au commencement était la parole » on ne sait pas de quoi on parle et surtout on parle au passé. La Parole n’a pas été au commencement, la Parole EST, elle est au principe. Le Verbe c’est ce qui soulève la vie humaine pour l’emmener vers l’amour, le feu céleste, et qui relie les hommes à la dimension divine.
L’expérience du Verbe nous parle vitalement et fondamentalement, c’est ce qui terrasse la violence et le désespoir. Nous avons une grande violence dans notre société parce qu’il y a une crise du verbe, les psychologues nous disent que lorsque les pulsions d’un être humain ne peuvent pas se symboliser, la seule chose qui leurs permette de s’exprimer, c’est la violence. Il y a des jeunes qui s’entretuent car ils sont incapables de symboliser leurs pulsions parce que le verbe a déserté notre vie culturelle et intellectuelle et que nous ne sommes plus reliés à des choses qui, soulevant notre existence, terrassent le désespoir et la révolte.
Lorsque les foules venaient écouter le Christ, c’était le Verbe, le Logos qu’elles entendaient et le Logos nous parle fondamentalement. Lorsque Jean commence son Evangile en disant : « Par principe le Verbe est », il revient à l’essence des choses et il permet de comprendre le Dieu vivant et le Christ. Dire que la vie humaine est reliée à Dieu qui EST fondamentalement, c’est la même chose que dire qu’elle est reliée au Christ et au Verbe.
La question du Verbe est fondamentale et nous en faisons différentes expériences. Lorsque vous rentrez dans une cathédrale est que vous êtes saisi par la beauté et le silence et qu’il y a quelque chose qui vous parle, vous faites l’expérience du Verbe. Lorsque vous êtes enthousiasmé par les livres que vous lisez ou les cours auxquels vous assistez, vous faites l’expérience du Verbe. Lorsqu’à un moment, votre cœur s’ouvre et que vous vivez de tout votre être, vous êtes dans le verbe.
Babel
La pentecôte c’est la descente de l’Esprit sur la terre à travers les disciples, et cela se manifeste par le fait que lorsque les disciples parlent, tout le monde les comprend. Il faut mettre en relation Pentecôte avec Babel.
Dans L’expérience de Babel, nous avons affaire à l’expérience de la plaine, à l’expérience de la tour et ce qui en résulte, à savoir, ce qui ressemble à une punition divine, Dieu faisant s’écrouler la tour et créant une confusion des langues.
Cette vision de la tour de Babel doit être prise à travers les trois éléments qui la caractérisent, à savoir, la plaine, les briques et l’unité qui est pensée à partir de ces éléments. Il ne faut pas prendre l’épisode de Babel au premier degré, il faut le prendre dans l’évolution spirituelle de l’humanité. Les Hommes sont intelligents, mais il y a deux formes d’intelligence, il y a celle qui va se libérer à Pentecôte qui est de l’ordre de l’intelligence transfigurée et celle qui se déploie à Babel et qui est une intelligence banale.
La plaine
Les hommes arrivent dans une plaine et ils éprouvent le besoin d’élévation par rapport à cette platitude, ils n’ont pas vu que la plaine peut être quelque chose de créateur, s’ils étaient habités par l’Esprit, ils verraient que quelque chose de plat peut être vertical. Ce qui fait que nous sommes intelligents c’est que nous sommes capables d’aller au-delà des couples d’opposition, et en particulier de l’opposition entre le vertical et l’horizontal, nous sommes capables de symboliser les choses, c’est-à-dire que l’on peut très bien trouver quelque chose de vertical dans l’horizontal. Si nous prenons les choses spirituellement, nous créons un horizontal vivant et transcendant.
Les briques
Le problème de la tour de Babel c’est que les hommes font une mauvaise expérience de l’horizontal et de la plaine, le réflexe qu’ils ont alors est catastrophique, ils veulent monter une tour en assemblant des briques les unes avec les autres. Tous les scientifiques nous disent qu’un tout n’est pas la sommes des parties, nous avons une vision analytique des choses et dans cette intelligence analytique nous pensons qu’un tout est composé de parties. Les géomètres nous disent par exemple qu’une droite est l’intersection de deux plans et non pas une succession de points. Nous devons partir de la globalité et non pas de l’individualité.
L’unité illusoire
La tour de Babel signifie que les hommes ne sont pas dans l’intelligence créatrice et spirituelle, ils ont une intelligence marquée par l’ego et par le mental qui croit que pour faire une totalité il faut partir des individus. Or, c’est l’inverse car on ne fait pas une totalité avec des individu mais ont fait des individus avec une totalité. Il faut avoir une vision qui part du ciel. Les hommes se trompent également dans l’organisation humaine car ils pensent que créer une société harmonieuse, c’est créer une société où tout le monde à la même langue et où tout le monde pense la même chose.
Les hommes de Babel font donc trois erreurs : ils refusent l’horizontalité, ils pensent le tout à partir des parties, ils considèrent que la société idéale et une société où tout le monde se ressemble. En disant cela, je ne peux pas m’empêcher de penser au Maoïsme et à ce qui s’est passé en chine avec le communisme chinois.
Mao a voulu libérer son peuple de la misère et de la pauvreté, il est parti à l’assaut du ciel et a voulu créer un monde où tout le monde serait pareil et où tout le monde penserait la même chose. Le communisme était pensé à partir d’un individu multiplié à des millions d’exemplaires. Il n’y a pas que le communisme qui a commis cette erreur, nous apercevons que nous sommes dans un monde standardisé et stéréotypé qui pense la même chose. Le monde est guidé par ce qu’on appelle « l’individu moyen », c’est quelqu’un que personne n’a rencontré mais personnellement en tant qu’écrivain, on me l’a toujours mis dans les pattes en disant que l’individu moyen devait pouvoir me comprendre.
Nous allons voir le renversement et la libération de cette humanité dévorée par une intelligence dévoyée grâce à l’expérience de Pentecôte.
Le Christ libérateur
Le Christ libère l’humanité par sa mort sur la croix lorsqu’il est dit que sur la croix, ce n’est pas Jésus qui est crucifié mais c’est le Satan qui est crucifié. Le Satan peut tout faire sauf aller sur la croix parce qu’il a trop d’orgueil. Le Christ fait ce que le Satan ne peut pas faire, Il crucifie l’orgueil et Il renverse le Satan en faisant du Satan le meilleur diffuseur de Dieu. Les scribes et les pharisiens, inspirés par le Satan, ont crucifié Jésus pour qu’on ne parle plus de Lui, mais c’est le contraire qui s’est passé, le Christ est mort sur la croix et, depuis 2000 ans on n’en parle chaque année. Dieu terrasse l’orgueil.
Le Christ libère l’humanité par son Ascension en montrant ce qu’est l’expérience de la mort, c’est-à-dire le passage du visible à l’invisible. L’expérience de l’Ascension nous replace dans notre réalité véritable car ce n’est pas la mort qui nous attend, mais c’est l’invisible.
Le Christ libère l’esprit de l’humanité par la Pentecôte, l’intelligence transfigurée va permettre de se libérer de l’intelligence dévoyée, marquée par la mort et vouée à la mort.
La pentecôte
Les disciples sont rassemblés dans un même lieu, ils entendent un grand bruit, des langues de feu descendent sur les disciples et dans la foule qui est autour d’eux, chacun les entend parler dans sa langue.
Je crois que la Pentecôte doit être comprise comme une ouverture, une révélation de ce qu’est l’avenir de l’humanité.
Les disciples sont rassemblés dans un même lieu, c’est le contraire de ce que l’on trouve dans Babel. Dans Babel, nous avons affaire à des hommes qui ne sont pas rassemblés et qui imaginent qu’ils seront rassemblés si avec l’association des individus ils forment un tout. Dans la Pentecôte nous n’avons pas affaire à des individus isolés qui se rassemblent pour faire un tout, ce sont des êtres qui sont déjà rassemblés parce qu’ils vivent le divino humain. Les disciples auraient pu sombrer dans la dépression après la mort du Christ, mais ce n’est pas le cas. Comme nous l’avons vu lors de l’Ascension, certains d’entre eux partent en mission pour enseigner, les autres travaillent avec le Christ pour diffuser la parole et d’autres encore sont dans le temple en train de louer Dieu. Chacun est assigné à une tâche précise et ils ne sont pas dans le malheur et dans la lamentation ; Ils sont rassemblés et comme ils sont rassemblés, l’Esprit peut se manifester.
La manifestation de l’Esprit, c’est la suite logique et cohérente de tous les Evangiles et de la vie du Christ. Le Christ va vivre à l’intérieur de l’humanité à travers l’Esprit et l’Esprit du Christ, c’est ce que l’on trouve avec la notion de l’homme divin, avec la liberté et avec l’originalité.
Le péché de l’humanité
Lorsqu’on parle du Christ, on parle christianisme, on parle Eglise et religion avec des règles et tout un système juridique, et on oublie l’Esprit du Christ. Il y a une tentation très paulinienne de ramener le Christ à l’Eglise, considérée comme le corps du Christ et à penser toutes choses uniquement sur le mode de l’Eglise et du corps du Christ. L’Eglise est importante car nous avons besoin de cadres politiques, juridiques et sociaux, mais ce n’est pas l’essentiel, dans le christianisme l‘essentiel c’est le Christ. Il y a le christianisme parce qu’il y a le Christ et non pas l’inverse.
Cette réduction du Christ au christianisme c’est ce que j’appellerai volontiers le péché de l’humanité et le péché de la modernité. Nous sommes dans un monde qui ne pense qu’à l’économie et au caractère matériel de la vie parce que nous vivons les conséquences d’une révolution culturelle qui a eu lieu au 18ème siècle et qui a fait de l’économie et de la sphère matérielle les fondements de la réalité. Mais ce ne sont pas les fondements de la réalité, c’est comme si dans un lycée, on disait que le plus important c’est la cantine et l’intendance, ce sont des aspects importants, mais ce n’est pas le plus important car le but d’un lycée c’est l’éducation et les apprentissages fondamentaux. De même dans un club de foot, l’important, ce n’est pas la trésorerie, mais ce sont les joueurs. Nous vivons dans un monde qui marche sur la tête et qui oublie l’essentiel.
L’Homme divin
Ce qui fait marcher une civilisation, c’est l’homme divin, c’est la liberté et l’originalité qui sont derrière. Berdiaef nous rappelle très justement que l’essence du christianisme réside dans l’homme et derrière l’homme la liberté et l’originalité. Le Christ n’est pas venu pour faire du social et s’occuper des malheureux, il est venu pour enseigner le Dieu vivant qui se manifeste par l’homme divin libre et original. Ce qui donne du sens à tout ce que l’on fait, c’est de faire vivre l’extraordinaire potentiel qu’il y a à l’intérieur des hommes.
Nous vivons aujourd’hui dans monde qui n’a plus de sens parce que personne n’enseigne l’extraordinaire potentiel de l’homme. Nous pensons que l’avenir de l’homme passe par les nouvelles technologies et nous attendons de celles-ci qu’elles suppriment la mort par un nouveau corps. Cette vision des choses est marquée par la mort car ce qui fait qu’on se débarrasse de la mort ce n’est pas qu’on ne meurt pas, c’est qu’on ne craint plus la mort. Supprimer la mort ne résout pas le problème de la peur de la mort et ne donne pas de sens à l’existence.
On rencontre très rarement des personnes qui sont spirituellement libres et originales, malheureusement, dans notre monde chrétien on rencontre trop de personnes stéréotypées et pensant à l’envers. Un certain nombre de chrétiens ne pense qu’à l’aspect national, social et politique de l’Eglise et pense que le christianisme c’est ce qui est capable de fabriquer une bonne politique, une bonne société et une bonne nation. Mais cela n’a plus rien à voir avec le christianisme et cela produit des personnes qui n’ont aucun sens de ce qu’ils lisent, aucun sens de la pensée ni de l’esprit. Ce sont des choses très graves car le christianisme tel qu’il est, est mort, nous vivons dans un monde où la parole chrétienne est morte et elle est totalement dépourvue d’originalité et de liberté, sauf parfois avec quelques êtres lumineux comme Berdiaef ou des grands spirituels.
Il faut comprendre que la libération de l’esprit est le problème fondamental de l’humanité. Le Christ a envoyé l’Esprit parce qu’il a parfaitement eu conscience que ce serait le problème principal dans le monde et que dans le christianisme et le monde qui allait venir, on rencontrerait certainement des possibilités de libération d’esprit formidables mais également une négation de l’Esprit. Au cours des 2000 ans passés on n’a pas pu empêcher la création de totalitarismes religieux et politiques qui ont totalement détourné les forces spirituelles de l’humanité.
L’intelligence transfigurée
A la Pentecôte des langues de feu apparaissent, celles-ci libèrent l’esprit qui libère le langage. La langue de feu c’est ce qui se passe lorsqu’on est dans le Verbe et que l’on est capable de réchauffer les cœurs, d’illuminer les esprits et de transformer la parole religieuse en une parole ardente. Les paroles et les discours religieux sont souvent assommants parce qu’on dort collectivement. Ce qui nous réveille, c’est de comprendre que la vie est tellement extraordinaire que nous ne sommes pas à la cheville de ce que nous devrions vivre. Dans l’Evangile de Luc, le Christ, avant de quitter le monde, enseigne aux disciples à interpréter l’écriture et Il libère leur esprit, mais au-delà de sa présence dans le monde, Il continue de libérer l’esprit. Libérer l’esprit c’est révéler qu’il existe des paroles et un langage de feu qui révèlent le suprêmement vivant.
Les disciples sont révélés à eux-mêmes comme suprêmement vivants et il y a une libération de leur esprit. Ils peuvent s’ouvrir à l’Esprit-Saint et rentrer dans la dimension visionnaire de l’existence, en étant capables de donner un véritable sens au monde dans lequel ils vivent.
Lorsque les disciples sont visités et inspiré par l’Esprit ils ne font pas une grande tour et ils ne créent pas un monde où tout le monde a le même langage, mais ils parlent à chacun dans la langue qui est la sienne, ils parlent dans la langue de son cœur. On se rend compte que de l’intérieur de la diversité on peut créer une extraordinaire unité du genre humain par l’ouverture de la langue de chacun, c’est à dire l’ouverture du langage céleste qui est dans le cœur de tous les hommes et qui leur permet d’être ce qu’ils sont.
Ceci est un programme d’avenir, Pentecôte, nous n’y sommes pas encore. Nous sommes dominés par des systèmes dans le monde qui sont extrêmement dangereux. Actuellement se met en place un système de surveillance de toute la planète à travers de ce qu’on appelle les data, l’épisode de surveillance sanitaire dans lequel nous sommes est tout aussi dangereux. Nous continuons malheureusement à être habités par l’esprit de Babel, c’est-à-dire, construire une tour avec une intelligence dévoyée pour créer une humanité où tout le monde est pareil et pense la même chose et où personne ne pense divinement.
Pentecôte ne fait que commencer, la vie en Christ ne fait que commencer. Actuellement il y a tout un christianisme qui est mort et qui doit disparaitre pour que la vie divine puisse vivre.
Question 1 :
Comment voyez-vous l’avenir de notre humanité ?
Je suis passionné parce que je suis arrivé à la conclusion que dans 10 ans nous verrons que tout le système mental dans lequel nous avons vécu va tomber car il est obsolète. Nous tournons en rond et il n’y a aucune perspective. Mathématiquement, nous allons devoir nous libérer de la platitude et de la médiocrité dans lesquelles nous vivons et je n’ai aucune inquiétude, cela va se faire. Nous allons vivre quelque chose à quoi personne ne s’attend. On nous a annoncé 5 choses qui nous menacent, la pandémie, le terrorisme, une catastrophe économique, une guerre, une catastrophe écologique, mais je pense que cela n’arrivera pas.
Je pense que si on regarde le monde tel qu’il est sans une boussole spirituelle, il y a des raisons d’être inquiet, mais si nous allons dans la prière, dans la liturgie et dans la méditation, nous nous rendrons compte qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur parce que les forces de la vie sont beaucoup plus fortes que tout.
Des langues de feu vont venir pour parler d’un autre langage et d’une autre vie.
Question 2 :
Pour vous, la religion chrétienne doit mourir, mais il semble qu’elle n’en n’ait pas du tout envie. Comment, à notre niveau, pouvons-nous faire pour que la religion chrétienne aille vers plus de vie ?
Je pense que cela viendra par l’enseignement et par une révolution à l’intérieur du christianisme lui-même pour revenir à des fondamentaux, et cela existe déjà. Le monde nouveau est déjà là, à l’intérieur du christianisme il y a des gens très libres, très originaux et très profonds avec des recherches magnifiques et il y a un autre christianisme qui va continuer de vivre avec des addictions à certaines formes qui apparaissent comme rassurantes. Il n’y aura pas de transformation rapide, le conformisme social et idéologique est inévitable dans le monde chrétien, mais ce que l’on ne soupçonne pas, c’est qu’à un moment, il va y avoir un engouement pour une autre manière de voir. Il y a beaucoup de gens qui y travaillent et qui sont très profonds, il y a, partout, beaucoup de très belles choses que l’on ignore, elles existent et cela va prendre de l’ampleur.
Dans ce qui est train de se passer, la seule chose dont on ne parle pas, c’est d’une belle chose, intellectuelle, morale et spirituelle qui enthousiasme et qui provoque un véritable changement. Nous vivons dans un monde où tout le monde doute de la beauté, de la profondeur et de l’esprit, personne n’y croit. Je pense que c’est par là que le changement va venir. Vous me dites que c’est idéaliste, utopique et pour me ramener à la réalité on ne parle que du mal qui se fait. Pourtant, je pense que c’est mathématique et évident, cela fait 50 ans que je regarde la société française, que je la vois tourner en rond et je me suis demandé pourquoi, je crois que c’est parce que quelque chose n’a pas été dit et que cela doit se dire. Cela va se faire et le monde est déjà en marche…
Question 3 :
Pourriez-vous revenir sur le péché contre l’Esprit-Saint ?
Le Pardon est magnifique, c’est le fait d’arrêter le cycle de la vengeance. Pardonner c’est ce qui se passe lorsqu’on dit : « Cela fait des années qu’on se dispute, on n’est arrivé à rien, on arrête et maintenant on vit autre chose ».
Attention, le pardon n’est pas l’excuse, tout n’est pas excusable mais on peut très bien pardonner. Le pardon c’est intelligence qui arrête la haine et la vengeance. Dans la vie il y a des choses qu’on ne peut pas laisser passer et en particulier les choses de l’esprit. A savoir l’intelligence créatrice et visionnaire de l’homme, tout ce qui donne un avenir large et profond à l’homme. Avec cela on ne transige pas.
Ne pas pardonner c’est arrêter de penser que toutes les opinions se valent, que toutes les cultures se valent et que tout se vaut. Je ne suis pas d’accord et je pense qu’il y a des choses qui sont meilleures que d’autres, et il y a des choses qui doivent s’exprimer en priorité.
Dans la parabole du Banquet, où un seigneur organise un banquet pour ses fils, il invite ses amis qui ne viennent pas, il invite ses relations qui ont autre chose à faire, alors il invite le tout-venant et dans le tout-venant, il y a un homme qui n’a pas mis un bel habit. Le maitre ne le lâche pas et il le jette dans le feu de la géhenne en disant «je veux que tu sois revêtu par la beauté divine et la vie spirituelle et je ne te lâcherai pas ». En permanence il est dit dans les Evangiles que le royaume des cieux c’est ce qui se passe lorsque Dieu ne nous lâche pas. Parce qu’Il nous aime, Il veut que nous soyons royaux et magnifiques et tant que cela n’est pas, Il nous rectifie.
Le péché contre l’Esprit qui n’est pas pardonné, c’est lorsque Dieu ne nous lâche pas.
Question 4 :
Que pensez-vous des accords toltèques ?
Les 4 accords : 1 Que ta parole soit impeccable 2 Ne jamais faire une affaire personnelle de quoi que ce soit 3 Ne jamais faire de suppositions 4 Toujours faire de son mieux, plus un cinquième : Savoir écouter.
Pour moi les Evangiles sont un peu hermétiques et j’ai besoin de propositions pratiques.
Ce qui caractérise ces accords c’est qu’ils nous centrent par rapport à la parole, on fait attention à ce que l’on entend et à ce que l’on dit, et c’est très juste. Personnellement je rajouterai 3 choses.
Soit Poète : n’ai pas peur de ce que tu sens, de ce qui se passe dans la réalité et du dialogue avec la réalité. Les choses te parlent et tu parles aux choses.
Médites : lorsque tu écoutes une parole et en particulier de l’Evangile, médites-la, ne vas pas trop vite en croyant avoir compris.
Communie : Le but de la vie c’est la communion, c’est-à-dire toi à l’intérieur du monde et le monde à l’intérieur de toi. Toi en Dieu et Dieu en toi.
Tout cela débouche sur l’attitude suprême de la vie que j’appelle « l’Amour absolu ».
Question 5 :
Saint-Joseph n’est-il pas le modèle de cette existence que vous proposez ?
Saint-Joseph a connu le Christ de très près, il a vécu cette méditation et cette justesse de vie absolue dont vous parlez, tout en étant dans une discrétion complète, au point qu’on la presque oublié.
En fait, on ne connaît pas Joseph.
Je me suis demandé ce qu’avait fait le Christ entre douze et trente ans. Je pense qu’Il a fait la même chose que ce qu’il a fait à 12 ans dans le temple avec les docteurs de la loi. Il les écoutait, Il les questionnait et Il les étonnait.
J’aime imaginer que le Christ n’est pas resté à Nazareth, mais qu’Il est parti dans le monde entier non pas enseigner, mais écouter, questionner et étonner les hommes et qu’Il a ensemencé le monde. Cette idée pourrait expliquer le fait que dans toutes les cultures on parle du Dieu fait homme. Et, dans cette hypothèse, j’aime à penser que c’est Joseph qui a organisé tous les voyages de son fils.
J’aime imaginer le Christ dans les Himalaya dialoguant avec les prêtres des temples tibétains avant de venir en Israël qui est le point de crise de l’humanité.
Joseph est quelqu’un de magnifique, il s’est effacé devant sa femme enceinte de l’Esprit-saint et il était certainement lui-même plein de l’Esprit-Saint pour pouvoir l’accepter. Il est l’invisible organisateur qui va permettre au Christ de développer toute sa vie.
Avec Joseph, Le Christ va construire la charpente et la maison du monde.