25 – Le politique et le social

Retrouvez ICI un extrait de la conférence

Dans le monde d’aujourd’hui, le politique et le social prennent toute la place de la réflexion, de l’attention et de l’intérêt pour trois raisons.

– Parce que le politique est le lieu de la violence

– Parce que le social est le lieu de la souffrance

– Parce que ce sont aussi les lieux d’une espérance

La violence et la souffrance apparaissent parce que rien ne fait autant de mal à notre monde que le politique et rien ne souffre autant à cause du politique que le social.

Le politique et le social dans ce monde, sont aussi les lieux d’espérance. Dans le  politique c’est l’espérance que par des luttes politiques, il sera possible de conquérir des droits, et dans le social, c’est l’espérance que par la fraternité et la solidarité, il sera possible de dépasser la souffrance.

Nous sommes devant un paradoxe car le politique et le social sont à la fois la prison et le remède de notre monde.

C’est une situation proprement infernale car on ne peut pas ne pas parler du politique et du social parce qu’on ne peut pas éviter la violence, le mal, la souffrance qui sont dans le monde du fait du politique et du social, et plus on en parle, plus la souffrance augmente.

La dimension spirituelle du politique et du social

En fait le malaise politique et social, c’est la traduction d’un problème beaucoup plus profond qui n’est jamais nommé et qui est la dimension spirituelle du politique et du social que personne ne veut voir car elle est toujours refoulée en tant que telle.

Si on analyse la relation entre le politique et le social, on se rend compte qu’on a affaire d’un côté au sommet qui est le politique et de l’autre à la base qui est le social. La relation entre les eux, c’est celle qu’il peut y avoir dans une montagne entre la base et le sommet. S’il n’y a pas de base, la montagne ne s’appuie sur rien et s’il n’y a pas de sommet, la base ne s’élève vers rien, c’est un peu comme un arbre qui fait plonger ses racines dans la terre et qui déploie ses branches vers le ciel.

Il peut y avoir une harmonie entre le politique et le social et c’est la relation qu’il y a entre l’Eglise et l’homme. Cette relation, c’est le corps du Christ et c’est la signification de la politique et du social véritables. La relation entre les deux, c’est ce qui se passe quand il existe à la fois une fraternité qui fait que les hommes sont  reliés et une paternité qui fait qu’ils sont élevés et transcendés.

Le fondement de la vie politique et sociale est un fondement théologique et spirituel, mais c’est le non dit de la politique et du social moderne.

Une vision matérialiste

La vision que nous avons du politique et du social, est matérialiste et athée, elle est exclusivement marquée par la violence et la souffrance à l’intérieur d’un horizon qui est celui du désespoir.  Tout est organisé pour qu’il en soit ainsi, tout a été fait depuis les derniers siècles pour que nous ayons une vision désespérée du politique et du social parce qu’on ne croit que dans la possibilité de la violence. La religion du monde, c’est celle de la violence, la foi du monde c’est la foi dans le fait qu’on n’a rien et qu’on ne parvient à rien si on n’organise pas le monde à partir de la violence. Ceci est caractéristique de la politique des sophistes de l’antiquité et de son retour à travers la renaissance et la politique moderne. Fondamentalement toute notre société est enfermée dans le désespoir et l’athéisme.

L’idée est simple, la religion c’est l’ennemi tant du politique que du social, parce que quand le religieux intervient, c’est le fanatisme, l’aveuglement, la croyance et  l’irrationnel.

On pense que si on veut pouvoir apporter des solutions au politique et au social, il faut le débarrasser de la morale et de la religion. C’est Machiavel qui fait cette opération dès la renaissance dans « Le Prince », lorsqu’il sépare totalement la vie politique de la morale et de la religion afin de ramener le politique à une pure technologie du pouvoir à l’intérieur d’un monde réduit à la naturalité des rapports de force.

La vision de Machiavel

Elle est très moderne et très pragmatique, elle repose sur l’idée que, fondamentalement, les hommes sont des animaux égoïstes et féroces. Et si on veut bâtir une société, il faut avoir à l’esprit cette violence égoïste et féroce liée aux désirs humains et comprendre que le politique c’est ce qui tient en respect ces désirs et cette violence afin de bâtir un monde à peut près vivable par l’équilibre de la terreur.

Dans ce schéma, nous avons affaire à une vision politique de la réalité rationnelle qui n’emprunte rien à la morale et à la religion et qui se donne comme but l’efficacité du pouvoir.

Dans ce contexte, le peuple apparait comme le terreau réel et matériel de la vie politique, le social, c’est nous, c’est le peuple, mais c’est aussi Dieu. Il est intéressant d’apercevoir que Dieu c’est le social parce que le social permet de tout comprendre, il est la forme réelle des être humains que nous sommes. Etre, c’est être un être social, c’est être dans la réalité, dans la force qui produit la réalité, à savoir, la force sociale. Nous sommes dans un monde où tout est structuré autour d’une séparation radicale entre d’une part  la politique et le social et d’autre part la morale et la religion afin de fonder une vision rationnelle de la politique sur la base d’une religion rationnelle de l’homme.

Nous en sommes arrivés là à cause d’une transformation profonde que Goethe a parfaitement aperçue dans « Le Faust » où Méphisto lit dans  la bible que « Au commencement était le Verbe », il rejette cette vision de l’origine en la trouvant trop abstraite et la remplace par une phrase qui lui semple plus concrète, à savoir : « Au commencement était l’action ». Ce passage du Verbe à l’action est la clef de compréhension du malaise qui est le nôtre dans le monde moderne et de notre incapacité à trouver une réponse satisfaisante à la question du politique et du social.

Le Verbe

Ce qui fait de nous des êtres équilibrés et harmonieux, c’est d’êtres reliés au Verbe dont la caractéristique est d’être un principe spirituel venu d’en haut qui inspire notre action et notre incarnation. Le Verbe signifie qu’à la base de l’action humaine, il y a un principe agissant spirituel, en ce sens le Verbe ne nie pas l’action mais la séparation entre action pratique et action spirituelle, car il y a action pratique parce qu’il y a action spirituelle.

Agir signifie faire des choses matérielles, humaines, politiques et sociales en étant reliés à Dieu de manière à ce que ces actions soient des icônes divines et pas simplement humaines. Cela donne les véritables actions, celles qui touchent les cœurs et qui ont une portée non seulement matérielle mais spirituelle. Kant se rend compte de cela dans « Le modernisme » où il explique que la morale ne consiste pas à passer de la pensée à l’action mais de l’action à la pensée en ayant des actions qui pensent et qui font penser.

Un monde agissant dans lequel l’homme peut fonder une véritable fraternité et où il peut s’élever grâce à des pouvoirs célestes, est un monde qui est profondément inspiré à la base et dans lequel tout est fait dans le sens de cette inspiration.

On n’imagine pas à quel point l’action humaine est démultipliée dès qu’elle s’enracine dans le souffle céleste en se laissant inspirée par lui. L’homme peut faire de véritables miracles, en particulier dans le soin, lorsqu’il se laisse inspirer par le souffle de l’Esprit car il se met entre parenthèses, il n’intervient plus avec son égo et il laisse parler l’énergie la plus profonde de la vie.

Si vous faites l’expérience d’être « agissant », c’est-à-dire de vous mettre entre parenthèse, dans un état de neutralité bienveillante à l’égard des personnes autour de vous et de laisser parler l’inspiration, vous trouverez une énergie, des paroles et des gestes remarquables qui permettent de mettre les autres dans leur axe, de vous mettre vous-même dans le vôtre et d’arriver à des résultats stupéfiants. Des résultats qu’on ne peut pas obtenir quand on est dans un monde trivial qui n’a pas prié et qui ne s’est pas laissé inspirer par le Verbe divin.

Le cerveau

Dans Faust, Méphisto corrige la bible, il fait le geste d’ignorance qui a précipité la modernité dans les problèmes sans nom qui sont les siens et dont elle n’arrive pas à se débarrasser. « Au commencement était l’action » cela veut dire qu’on ne croit plus à l’action divine et inspirée, on croit seulement à l’action humaine et celle-ci ne passe plus par Dieu, elle passe par le cerveau et la capacité qu’a celui-ci à maitriser le monde autour de lui en y prélevant des éléments afin de le maitriser et de l’utiliser.

Edgard Morin le dit très bien : « Le cerveau est l’organe du pouvoir », c’est celui qui centralise l’information et qui répercute des réponses avec une agilité extraordinaire, mais sa caractéristique, c’est que c’est un organe de pouvoir, de domination, et nullement d’inspiration. L’inspiration va au-delà du cerveau, et si elle est reliée à quelque chose, ce n’est pas tant au cerveau qui est dans la tête, qu’à cet autre cerveau qu’on est en train de découvrir et qui se situe au cœur du ventre.

Dans notre monde, tout passe par le cerveau avec les sciences cognitives, on relie les sciences cognitives à l’intelligence artificielle et à l’informatique parce qu’on est en train de décliner la formule faustienne : « Au commencement était l’action ». On ne veut plus entendre parler de Dieu dans la vie politique et sociale, on veut seulement entendre parler du pouvoir politique lié au pouvoir scientifique, tous deux étant reliés au cerveau, c’est-à-dire à la capacité d’une action non inspirée et non spirituelle de l’homme et Cela provoque des mécanismes extrêmement violents.

Une politique et une socialité inspirées

Il peut y avoir une politique inspirée qui débouche sur une socialité inspirée. Dans l’Evangile, on le voit à travers un épisode où le Christ est étonné par la foi des hommes. Il est invité par un centurion dont le serviteur est malade et le centurion lui dit : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et mon serviteur sera guéri. » et il ajoute : « moi-même, je dis à ce serviteur fait ceci, et il le fait, à cet autre fait cela et il le fait », en disant cela, le centurion mesure la relativité totale de ce qu’il est. Par rapport à ses serviteurs, il est un chef, mais par rapport au Christ il n’est même pas digne d’être son serviteur, et le Christ est stupéfait par la foi de cet homme.

Nous avons là, l’essence d’une politique inspirée débouchant sur une socialité inspirée et montrant qu’il est parfaitement possible d’avoir une relation entre politique et spiritualité, socialité et spiritualité.

Quand on parle d’une telle relation, tout le monde s’affole en disant que si on fait une relation entre politique, socialité et spiritualité, on va déboucher sur une dictature de type religieux, on pense que le pouvoir religieux va mettre à genoux le pouvoir politique et social, c’est pourquoi il y a un rejet des pouvoirs théologico-politique et socio-spirituel.

C’est notre ignorance qui conçoit ainsi la relation entre politique, socialité et spiritualité, nous sommes prisonniers d’un préjugé cérébral, pour nous le religieux est un cerveau qui va venir concurrencer le cerveau politique ou le cerveau social et ça va être la guerre des cerveaux. Dans l’image de l’occident, nous n’oublions pas Canossa, où on voit l’empereur venir demander pardon au pape à genoux et le pouvoir religieux mettre le pouvoir politique à genoux. Cette histoire a terrifié l’occident, et elle hante encore les esprits.

Le centurion, lui, nous parle de la véritable spiritualité qui, si elle existait, permettrait de créer un véritable pouvoir politique et un véritable pouvoir social. La spiritualité du centurion, c’est l’humilité extrême de l’homme devant l’inouï de Dieu et de l’incarnation, il a compris que le Christ était Dieu sur terre et qu’Il était d’une extraordinaire humilité pour s’incarner.

Si on arrive à être dans ce climat d’humilité, on libère le politique et le social, la laïcité et tout le reste, c’est-à-dire que tout ce que nous n’arrivons pas à faire aujourd’hui et que nous arriverions à faire par là.

Le centurion est tellement humble qu’il n’a aucune peine à se faire obéir par ses serviteurs, parce que lorsqu’une politique est humble, elle a un pouvoir supérieur au pouvoir de la violence. Nous oublions totalement que pour avoir du pouvoir, il faut avoir de l’humilité. Cela est totalement nouveau, et ce sont les chinois, dans le Tao qui ont très bien compris cela.

Le Tao

Le Tao est un livre pour l’éducation des princes, et il est le contraire du « Prince » de Machiavel où nous sommes devant une vision terrifiante de la réalité. Pour Machiavel, la réalité est un rapport de forces et les hommes sont égoïstes et féroces. Dans cette vision des choses, la seule chose capable de créer du social, c’est la sécurité et la prospérité, c’est-à-dire d’endormir le peuple avec des richesses dans une impression de sécurité apparente.

La vision du Tao est à l’opposé de celle de Machiavel , c’est une vision profonde de la réalité comme une harmonie, comme un équilibre produit par le vide, par le non agir, par quelque chose qui n’a plus rien à voir avec l’action et qui nous met en relation avec le Verbe. Faust dit « Au commencement était l’action », les chinois disent : « Au commencement était la non-action ».

La non-action, c’est ce qui se passe lorsqu’on se laisse inspirer par les principes d’équilibre et d’harmonie qui sont à l’intérieur de la réalité et qui précèdent tout. S’il n’y avait pas ces principes d’équilibre et d’harmonie à la base de toute chose, rien ne pourrait subsister. Nous vivons parce que Dieu, dans son amour, tient toute chose dans son noyau d’être et maintien l’équilibre malgré tout pour les bons et pour les méchants.

Lorsqu’on laisse se développer ce principe d’harmonie à l’intérieur de nous, il débouche sur un pouvoir stupéfiant, sans violence, sans avoir besoin de dominer, d’humilier ou de terroriser, et il est possible de se faire obéir mieux que par la violence, parce que ce n’est plus un homme qui parle, c’est l’harmonie et l’équilibre. Nous sommes cette harmonie et nous ne pouvons pas aller contre elle en allant contre nous-mêmes, il y a une force irrésistible plus qu’humaine et elle est la seule force humaine véritable.

Ce qui nous rend humain, c’est le plus qu’humain, c’est ce qui est tellement équilibré et tellement harmonieux qu’il ne nous vient plus à l’idée de contester cette harmonie, étant donné qu’elle va totalement dans notre sens, elle nous précède, elle nous porte, et, servir cette harmonie, c’est être dans la gloire. Le centurion de l’Evangile découvre un pouvoir inouï que nous n’avons pas encore exploré et que la sagesse chinoise a compris.

Il est frappant de voir la relation entre cette phrase du Tao qui dit en substance : «Si tu veux grandir, abaisse toi, si tu veux être mis en avant, mets toi en arrière, si tu veux te conserver ne te conserve pas » et ces paroles du Christ : « Celui qui conservera sa vie la perdra, les premiers seront les derniers ». Il nous est demandé d’être pauvre, de ne pas nous grandir parce que quand on est dans cet état là, on laisse totalement s’exprimer le principe d’harmonie fondamental qui est à la base de tout et qui l’amour du Père qui embrasse tout, le mystère de l’UN qui comprend tout et qui est le noyau de nous-mêmes.

Le vrai politique ne peut se fonder que sur une expérience spirituelle totale, c’est ce que Lao Tseu exprime au futur empereur en expliquant que la seule manière de diriger des peuples, c’est de le faire spirituellement et d’arriver à cet état unique où ce n’est plus un homme qui parle, mais c’est le ciel qui parle à travers un homme. Là on trouve le vrai pouvoir politique qui, en étant humble, se fait obéir et permet de créer une socialité véritable. Il se  crée une relation entre le politique et la société qui est une forme d’émulation où chacun s’efface devant l’autre.

Dieu est tellement humble, qu’il vient pour servir l’homme et il y a des hommes qui sont enthousiastes de Le servir  et dans cette relation entre l’homme et Dieu, il se crée un pouvoir véritable et une socialité véritable.

Une société malade

Ce qui fait qu’aujourd’hui, il y a tant de problèmes autant politiques que sociaux, c’est que personne ne s’efface devant personne, que le politique entend se faire obéir en tapant du poing sur la table et en terrorisant les gens. De même, la société est malade parce que personne n’entend céder devant personne.

Aujourd’hui, nous voyons la société prospère et lumineuse dans laquelle nous étions, devenir de plus en plus invivable parce que l’âme et le cœur des hommes n’ont pas été purifiés et n’ont pas vécu l’expérience du vrai politique et de la vraie société que l’on rencontre dans l’humilité.

Autour de nous, tout est organisé selon le pouvoir, parfois, selon le contre pouvoir, mais personne n’a imaginé un monde qui serait fondé sur le non pouvoir. Le centurion a tout compris, en s’effaçant devant Dieu et le Christ, il est l’incarnation dans ce monde du pouvoir véritable.

Notre monde a décidé d’agir en ne se laissant plus inspirer par le Verbe, cela donne ce qui  organise la société humaine depuis le siècle des Lumières et qui nous conduit à une véritable catastrophe, sous la forme d’une transformation de l’origine, d’une transformation de l’homme, de la réalité de l’homme et de la relation de l’homme à l’homme.

Trois choses aboutissent au monde d’aujourd’hui : Le déplacement de l’origine, le sujet législateur et l’homme social.

1 ) Le déplacement du sens de l’origine

L’origine est la source permanente qui permet à l’homme d’être ce qu’il est, cela n’a rien à voir avec le commencement temporel, car il y a deux êtres en nous, l’être temporel et l’être ontologique.

L’être temporel, c’est celui qui a une identité sociale extérieure, il est né à une certaine date, dans un certain lieu et il est marqué par ce commencement. Mais l’homme a surtout un commencement éternel qui est sa source et qui et lié à sa relation avec le Verbe.

Nous sommes abâtardis lorsque nous passons de la relation ontologique à la relation temporelle, lorsque nous devenons monsieur ou madame Untel, nés tel jour et dans tel lieu terrestre, car l’homme ne vient pas d’une date et d’un lieu, il vient d’une source ineffable. Lorsqu’on a une vision uniquement terrestre  de l’homme, on arrive à cette vision désespérée qui consiste à dire que l’homme est un accident. En tant qu’homme et en tant que femme, vous vous dites que vous auriez aussi bien pu naître ailleurs et à une autre date, quand l’origine de l’homme est purement terrestre, elle perd toute originalité et toute singularité.

A l’inverse, quand on comprend que l’origine d’un être humain n’est pas simplement terrestre, mais céleste et que l’homme a commencé bien avant son origine terrestre, cela change tout parce que nous n’avons plus une vision accidentelle de l’existence, nous créons un état vibratoire extraordinaire dans lequel nous sentons notre existence retentir dans l’univers entier. Dans cet état là, nous sommes protégés à l’égard de la violence et nous sommes dans une politique et dans une socialité extraordinaires.

On cherche à créer du lien social et on n’y arrive pas parce qu’on essaye de le faire soit sous la forme du calcul, soit sur la forme du jeu et on se pose la question de savoir si on peut jouer ensemble comme des enfants.

Or, nous sommes une société lorsque nous créons un état de conscience vibratoire qui nous dit que chacun d’entre nous a commencé sa vie bien avant l’existence terrestre et qu’il va bien au-delà de cette existence. Le jour où nous transformerons notre relation à l’espace et au temps et où nous rentrerons dans l’espace et dans le temps célestes, nous pourrons avoir une véritable politique et une véritable socialité, et là, nous aurons des chances de rencontrer ce qu’on ne pourra pas rencontrer autrement et qui s’appelle le développement durable.

2) Le sujet législateur

Nous avons bâtit un homme totalement fictif et ce qui organise actuellement le monde est le sujet législateur. Une loi est un principe constant de relations qui permet de les harmoniser, à la place de la constante, on a mis le sujet législateur parce que pour notre monde, ce qui doit servir de règle et de loi c’est l’homme et ce n’est pas Dieu, lorsque c’est le sujet législateur qui se met à régler les choses par le jugement, nous entrons dans l’enfer qui est le nôtre.

L’homme n’est plus inspiré par les constantes divines, mais par les constantes humaines et celles-ci donnent le sujet moyen qui entend tout contrôler. Aujourd’hui le sujet moyen domine le monde, il surveille tout à travers le qu’en dira-t-on et la rumeur. Pour cela nous avons un merveilleux instrument d’analyse qui est le monde des médias et en particulier, les radios. Avant de diffuser une interview, on pense au sujet moyen et si ce qui est dit est trop compliqué, trop profond, trop théologique, trop spirituel, il y a de grandes chances pour que l’interview ne soit pas diffusée.

Le sujet législateur, c’est terrifiant, c’est le remplaçant du sujet inspiré et cela pourrit la vie politique et sociale.

Le monde politique et le monde social sont dominés par les réseaux sociaux qui sont un dispositif de surveillance proprement effrayant et totalitaire. C’est le pouvoir des gens moyens qui surveillent tout ce qui se dit et tout ce qui se fait, ils commentent tout et font qu’à un moment on ne peut plus rien faire. Les politiques et les médias sont terrorisés par les réseaux sociaux, toute la culture est prise en otage par la rumeur et le conformisme liés au sujet moyen qui entend tout contrôler et avoir un droit de regard sur tout.

L’homme inspiré

Ce qui permet de trouver une socialité créatrice c’est d’arrêter d’être le sujet moyen pour devenir l’homme inspiré qui n’est pas celui qui juge, mais celui qui écoute, qui reçoit des messages et qui, à un moment se trouve dans cet état tout à fait extraordinaire où, lorsqu’on lui demande ce que sont la politique et la société, il répond :  « je ne sais pas », de même pour la philosophie ou le religieux, il ne sait rien parce que tout ce qu’il va savoir va lui être donné, révélé en temps et en heure, et va être totalement nouveau.

On aura une parole totalement neuve, qui ne sera pas la langue de bois du politique et de la société, mais qui sera autre chose, cet autre chose, c’est ce que nous découvrons dans les véritables conversations humaines, lorsqu’à un moment, il y a une rencontre des cœurs, et que des paroles inspirées viennent,  neuves et inattendues.  Le politique n’existe pas, la société n’existe pas, rien n’existe parce que tout est neuf, tout est créatif, tout est libre, tout est inspiré. Le sage taoïste est dans le vide parce qu’il se laisse inspirer par l’harmonie fondamentale, l’UN, le Père, la matrice d’où tout vient, et cela lui permet d’avoir des paroles totalement neuves.

La politique et la société sont « assommantes », on redit toujours les mêmes choses, on tourne en boucle dans les mêmes discours qui sont des discours de méchanceté, de haine et de jugement où tout le monde épie tout le monde. Cependant, une autre socialité et autre une politique peuvent parfaitement exister, parfois, c’est ce qui se passe lorsqu’on est capable de pratiquer le lâcher prise, c’est-à-dire d’aller au-delà de cette emprise de la société et du pouvoir pathologiques, pour aller vers quelque chose qui est ressuscité.

3) L’homme social

Ce qui apparaît avec notre culture, c’est l’homme social qui est devenu l’homme réel parce qu’on considère que la réalité ne se trouve pas dans l’idéal et dans le monde, elle ne se trouve pas dans la nature, mais elle se trouve dans la société qui est ce que nous vivons tous les jours.

On nous dit que la réalité de l’homme c’est tous les gens que nous côtoyons tous les jours, mais en fait, l’homme ne voit pas la société et il ne voit pas la réalité. On lui fait croire que la réalité de l’homme se trouve dans la société, or, elle se trouve dans la communion intime avec Dieu et le Verbe qui crée une société divine, sainte et spirituelle. Nous passons d’une réalité qui pourrait être extraordinaire à une réalité ordinaire qui produit la névrose dans laquelle on est, tout le monde ne jure que par la société, et tout le monde déteste cette société et rêve de la quitter.

Ce véritable malaise à l’égard du monde et de la politique vient du fait que notre âme n’est pas nourrie. C’est quelque chose que Platon avait senti, faire de la politique, c’est donner une âme à la société, c’est lui donner une sagesse, une pensée. Il faut aller bien au-delà de la vision malheureusement encore très intellectuelle de Platon qui ne va pas assez dans la communion intime.

Une société véritable

Heureusement, iI y a des moments où nous créons une société et où nous la vivons, les moments de socialité heureuse, ce sont par exemple, des moments comme ces conférences où nous avons une communion collective, où je suis le médium d’une parole que vous me faites l’honneur de venir écouter et nous essayons ensemble de nous laisser inspirer par quelque chose qui passe à travers moi et à travers vous qui écoutez, à travers votre silence et ma parole, il se passe quelque chose qui est de l’ordre du Verbe inspirant, et cela nous vivifie.

Il y a également dans le monde esthétique et créatif, des moments géniaux dans lesquels nous nous réjouissons de l’existence, nous nous réjouissons les uns des autres, nous nous réjouissons de l’homme, et là nous sommes dans une société. C’est quelque chose que Kant avait vu lorsqu’il disait que la société véritable se trouve dans une société esthétique qui se retrouve dans une communauté de goûts. C’est vrai, et cela mérite d’avoir un prolongement qui n’est pas seulement socio psychologique, mais métaphysique et ontologique. Nous avons donc un travail à faire sur la réalité.

Le contrat

Nous avons également un travail à faire sur notre mode de relations, nous avons un mode de relations contractuel, nous passons des contrats parce que dans le monde où nous sommes, c’est le seul moyen qu’on a trouvé pour freiner la violence. Le contrat, c’est ce qui se passe quand deux égoïstes se rencontrent et qu’il y a une lutte, l’idée c’est que s’ils continuent à se battre, ils vont mourir tous les deux. Par la peur de la mort, on passe de la violence à la souffrance d‘accepter de perdre quelque chose pour acquérir autre chose, on débouche sur un contrat pour arrêter la violence mais on continue d’être égoïste sur le plan de la sphère économique. Notre monde a inventé l’argent pour résoudre le problème de la violence en passant d’un égoïsme naturel à un égoïsme civilisé utile et efficace.

Nous ne sommes pas attachés à l’argent par cupidité, mais par intérêt moral en disant que dans notre monde, l’argent, le calcul et l’enrichissement, c’est le seul moyen de pouvoir surmonter la violence et de parvenir à réaliser ce que ni la morale, ni la religion ne sont capables de réaliser. Cela veut dire que nous sommes dans une socialité extrêmement violente dans laquelle on peut dire que l’esprit du Malin n’a pas été évacué.

L’alliance

Ce qui nous permet de nous relier les uns autres, ce n’est pas d’avoir des contrats dans lesquels on va essayer de préserver son égoïsme, mais c’est de faire alliance. Une alliance, c’est une rentrée dans l’intime, c’est fabriquer à deux un élément inconnu qui est une force créatrice et qui fait que l’on devient les alliés les uns des autres. L’alliance, c’est la relation invisible qui existe dans une relation fondamentale. A un moment, il y a une rencontre sur le plan de la profondeur et il n’y a pas besoin de passer par un contrat pour savoir qu’on est lié à quelqu’un d’autre.

Lorsqu’on est dans une vie spirituelle, on a des amis, on a des alliés, on pense la même chose et on est prêts à se défendre les uns les autres, on est dans une famille invisible qui a ses propres règles et on n’a pas besoin de le dire, on le sait. On est engagés les uns envers les autres parce qu’il y a le fondamental, le souffle céleste, entre nous.

Lorsqu’on rencontre quelqu’un de profond, on sait qu’on appartient à quelque chose de commun et que, quelque part, nous sommes la même personne, c’est une sorte de communion, et c’est le spirituel qui dirige les choses et il ne viendrait pas à l’idée de trahir ce spirituel.

Conclusion

Autrement dit, le gros obstacle à la politique et à la société, c’est notre manque total de foi, la vision que nous avons de nos semblables est catastrophique, nous pensons que l’homme est méchant, égoïste et qu’il faut se méfier de lui en prenant des mesures de terreur pour combattre cet égoïsme et cette méchanceté. Forcément, cela rejaillit sur le politique et sur le social et ce qui est tout de même réjouissant dans cet enfer que nous vivons, c’est de savoir que nous ne pouvons qu’aller mieux. Cela veut dire que si un jour nous retrouvons le théologico-politique et le socio-spirituel que nous avons écartés, nous trouverons une véritable politique et une véritable société que nous ne connaissons pas encore.